Le Groupe Mutuel* est toujours prêt à accueillir de nouveaux assurés. Mais visiblement pas n’importe lesquels, même si cela est parfaitement illégal. La preuve en trois actes, joués très involontairement par trois lectrices à la fin de l’année dernière.
Trois actes
• Premier acte: Laurence Gaist, de Genève, demande à La Mutuelle Valaisanne, une offre pour l’assurance de base seulement, avec tous les renseignements nécessaires à cette fin. Trois jours plus tard, elle reçoit un courrier lui demandant de prendre contact, car «certaines informations manquent au dossier».
En fait, il ne manque rien! Mais au fil de la conversation, son interlocutrice lui demande si elle suit actuellement un traitement médical. Stupéfaite, Laurence Gaist rétorque qu’elle n’a pas à répondre à ce genre de questions. La collaboratrice du Groupe Mutuel poursuit toutefois en lui demandant si elle prend des médicaments... Inquiète, notre lectrice a finalement signé chez la concurrence.
• Deuxième acte: Isabelle Brodbeck d’Yverdon demande, également par téléphone, une offre à la CMBB. Pour l’assurance de base uniquement, souligne-t-elle d’entrée et à plusieurs reprises. Le Groupe Mutuel prend bonne note, mais lui envoie une offre avec assurance complémentaire KH, et... un questionnaire de santé à remplir. Elle aussi a fini par signer ailleurs.
• Le troisième et dernier acte se joue sur le Web, via le site Comparis.ch. Une lectrice, qui préfère que son nom ne soit pas cité, demande une offre pour contracter une assurance de base auprès de la CMBB.
La société Direct Assurances SA, qui joue les intermédiaires, répond par e-mail: «Vous indiquez que seule l’assurance de base avec une franchise de 230 fr. vous intéresse, ce qui nous amène à penser qu’il s’agit d’un risque important pour l’assureur. Nous ne pouvons traiter votre dossier que si vous incluez les assurances complémentaires dans votre police dans un délai de 24 mois. Ceci implique de remplir le questionnaire santé» (sic!).
Réponse à tout
Comme on pouvait s’y attendre, le Groupe Mutuel a réponse à tout. Les cas de Mmes Gaist et Brodbeck? «Dans un souci d’assurer un traitement optimal du dossier, répondent André Grandjean, membre de la direction et Jean-Michel Bonvin, chargé de la communication, nous établissons un contact direct afin de compléter les renseignements. A cette occasion, nos collaborateurs posent un certain nombre de questions qui permettent de comprendre la situation du client et de définir, avec lui, ses besoins en matière d’assurance.» Et la réponse écrite envoyée à notre troisième lectrice? «La société Direct Assurance est indépendante du Groupe Mutuel et nous nous distançons de cette réponse qui ne correspond à aucune de nos directives.»
Autrement dit: où voyez-vous un problème?
Le problème, c’est que la loi interdit strictement de poser la moindre question médicale pour l’assurance de base, ce qui embête passablement d’assureurs. Le Groupe Mutuel en fait partie, comme l’avait déjà dénoncé la Fondation pour la protection des consommateurs (SKS) l’an passé. Et quoi qu’en disent ses responsables, toutes les astuces pour tenter d’obtenir ce type d’informations ou pour imposer une assurance complémentaire sont régulièrement utilisées, comme le démontrent les exemples de nos trois lectrices.
Clients de «qualité»
L’aveu de la société Direct Assurances, répondant à la stupéfaction de notre lectrice, le confirme: «Nous sommes pénalisés par la qualité des clients que nous transmettons à nos partenaires. Nous ne transmettons donc pas d’assurances de base uniquement auprès du Groupe Mutuel.» Est-ce cela, «le souci d’assurer un traitement optimal du dossier»?
Christian Chevrolet
(*) regroupe une quinzaine de caisses maladie, dont L’Avenir, La Caisse Vaudoise, CMBB, Futura, Hermes, La Mutuelle Valaisanne, Natura, Universa, etc.
assurances complémentaires
Le SKS dépose plainte contre Helsana
Helsana a une spécialité: imposer une assurance complémentaire à des assurés qui n’ont pourtant rien demandé ni rien signé. Nous l’avions dénoncé en 2001 déjà (lire BàS 11/01), lorsque cette caisse maladie avait ajouté une police d’assurance dentaire à tous les jeu-
nes de 11 à 17 ans bénéfi-
ciant d’une assurance complémentaire. Certes, il était mentionné (en petites lettres): «Si la teneur de la police ou des avenants ne concorde pas avec les conventions intervenues, le preneur d’assurance doit en demander la rectification dans les 4 semaines à partir de la réception de l’acte.» Mais aussi: «Faute de quoi, la teneur est considérée comme acceptée.»
L’an dernier, comme nous l’ont rapporté plusieurs lecteurs, Helsana a remis une compresse «en faveur» des personnes âgées, à qui elle a tenté d’imposer de la même manière l’assurance CURA, même si le délai de renonciation était plus long (jusqu’à fin mars 2003). Mais cette fois, la Fondation pour la protection des consommateurs (SKS) a déposé une plainte pénale contre la plus grosse caisse maladie de Suisse. Pour ce faire, elle s’est fondée sur un jugement rendu par la Commission fédérale pour la loyauté à propos d’une méthode de vente similaire employée par la CSS (lire BàS 10/02), que les experts ont jugé «particulièrement agressive et inadmissible». Or, estime la SKS, ce qui est vrai pour un assureur, l’est pour tous les autres.
«La procédure est en cours et nous ne pouvons plus nous prononcer tant que la Cour n’aura pas rendu son verdict», déclare aujourd’hui sa directrice Jacqueline Bachmann. Les juges iront-ils à l’encontre de l’Office fédéral des assureurs privés, qui admet sans sourciller ce genre de pratique?