Alors que les vacances à la ferme connaissent un succès croissant en Suisse, l’expérience faite par des «agrotouristes» jette un doute: les logements proposés sont-ils contrôlés avec le sérieux souhaité, tant au niveau du confort promis que de la sécurité?
En été 2002, la famille Tinguely, enthousiaste à l’idée de faire découvrir le monde campagnard à ses deux enfants de 3 ans et 9 mois, réserve 15 jours de vacances à Altstaetten (SG). Nos lecteurs de Marly ont choisi une ferme dont les avantages sont énumérés dans le catalogue de l’Association Vacances-à-la-ferme, édité par la Caisse suisse de voyages (Reka): jardin, place de jeu, gril – le tout certifié par un «Label de qualité».
Odeurs et dangers
Déception à l’arrivée: la place de jeu est une route, le gril un vieux barbecue pourrissant au fond d’un garage, il n’y a pas d’accès au jardin et l’appartement en duplex est dangereusement dépourvu de rambardes. Pour couronner le tout, il est situé au-dessus d’une porcherie. «Nous nous sommes plaints à Reka. On nous a proposé une autre ferme à Langenthal (BE). Considérant l’offre comme non équivalente, nous avons refusé et sommes rentrés le jour même», se rappelle Christine Tinguely.
La famille demande à Reka le remboursement de ses vacances réduites à un seul jour. Reka transmet la réclamation à l’Association Vacances-à-la-ferme. Réponse: pas de dédommagement! Les lieux correspondent à la description du catalogue, les lacunes de sécurité de l’appartement auraient dû être signalées au propriétaire et l’offre de rechange acceptée...
L’expérience des Tinguely n’est pas un cas unique. Un membre de la rédaction de Bon à Savoir a connu une mésaventure similaire en avril 2002: cuisine crasseuse et sous-équipée, abords de la ferme dangereux, chauffage déficient, accueil négligent... Certes, tous les acteurs de l’agrotourisme soulignent l’effort d’adaptation à fournir par les citadins à la ferme. Tout de même, Reka cautionne-t-elle imprudemment une association peu regardante question qualité?
Un intermédiaire
«Nous ne faisons que gérer l’administration de l’Association, précise Christine Sommer chez Reka. C’est l’Association qui se charge du contrôle: chaque agriculteur-hôte qui demande à en faire partie reçoit la visite d’un représentant régional, qui vérifie la conformité du logement aux critères de Vacances-à-la-ferme. Ensuite, lorsque des touristes se plaignent, nous faisons l’intermédiaire avec l’Association. A de rares occasions, nous avons suggéré le retrait du catalogue d’un logement objet de trop nombreuses plaintes.» Des plaintes qu’elle estime, tous logements confondus, à 15 ou 20 par an, sur environ 3500 contrats conclus.
Présidente de Vacances-à-la-ferme, Rita Barth répond de façon évasive aux questions soumises par mail: que signifie le «Label de qualité»? «Il faut remplir plus de 100 critères.» Lesquels? «Ceux qui sont fixés par la Commission de qualité.» Peut-on voir le cahier des charges de l’Association? Pas de réponse.
Une rigidité qui tranche avec l’ouverture dont font preuve d’autres organisations d’agro-tourisme (voir encadré), ne bénéficiant pas de l’important soutien logistique de Reka. Difficile de s’empêcher de penser que l’Association, ainsi «coachée», a tendance à négliger quelque peu la nécessité d’être stricte avec ses membres et conciliante avec ses clients.
Blaise Guignard
Tourisme rural romand: La vocation, une garantie de qualité
En Suisse romande, une offre indépendante de tourisme rural existe depuis plusieurs années. Elle est placée depuis l’an dernier sous l’égide d’une toute neuve Fédération romande du tourisme rural. Tous les logements proposés ont été contrôlés récemment, des étoiles attribuées selon l’échelle de Swiss Tourisme et des photos des logements sont à disposition des touristes intéressés. Mais à la Fédération, on insiste: le meilleur contrôle est fait par les visites que les membres se rendent entre eux, parfois incognito. Entre collègues, la critique passe mieux.
Membre de la Fédération, président de l’association Aventures sur la paille et agriculteur-hôte à Orges (VD), Christian Staehli nuance: «Faire passer un message de qualité absolue à nos membres est difficile. On a déjà un métier épuisant et en assumer un autre, tout aussi exigeant, demande un engagement jusque dans les petits détails. Sans compter que la haute saison touristique coïncide avec la haute saison agricole.»
Energique et passionné (sa ferme enregistre 3250 nuitées par an, pour l’essentiel «sur la paille»), Christian Staehli en est toutefois convaincu: «Si on n’a pas l’amour de l’accueil et du contact, si on ne se lance dans le tourisme rural que pour l’argent, ça ne peut pas marcher.»