Au moment de déguster une figue, Richard Cussac s’attendait à vivre un moment de douceur. Mais, à la place, il ressent une vive douleur et s’ébrèche une dent de devant. Sous la couche moelleuse de la figue se cachait un petit caillou. Après une visite chez le dentiste pour réparer son incisive, il écrit tout de suite à son assurance accidents, Mutuel Assurance, pour lui faire part de sa mésaventure et demander le remboursement de ses frais, qui s’élèvent à 291.60 fr.
Mais celle-ci rejette sa demande: «Le fait qu’il s’agisse d’un petit caillou est une hypothèse possible, mais pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante. En effet, il pourrait tout aussi bien s’agir d’une graine contenue dans les figues plus dure que les autres, ce qui n’est pas étranger à l’aliment consommé. La preuve de la cause extérieure extraordinaire n’est pas établie.»
Facteur extraordinaire
C’est précisément là que se trouve la subtilité qui permet à l’assureur de refuser une prise en charge. Car, pour être remboursé, il faut que l’événement remplisse tous les critères qui déterminent la notion d’accident. Or, la loi fédérale, sur la partie générale du droit des assurances sociales, définit l’accident comme «toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort».
Dans le cas d’un bris de dent, si l’aspect soudain et involontaire est souvent avéré, le caractère «extraordinaire de la cause extérieure» l’est moins. La nuance est importante, puisque la jurisprudence fait précisément la distinction entre les facteurs extraordinaires (trouver un débris d’os dans une saucisse par exemple) et ceux auxquels on peut s’attendre, comme la présence de cartilage dans du jambon, d’un éclat de coquille dans des moules marinières ou d’une figurine dans un gâteau des rois.
Fournir la preuve
Dans le cas de notre lecteur, Mutuel Assurance a confirmé à notre rédaction que la notion d’accident n’était pas remplie, car il n’y a rien d’extraordinaire à croquer dans quelque chose de solide quand on mange des figues. Mais, pour Richard Cussac, s’abîmer une dent parfaitement saine et sans plombage en mangeant des figues de consistance molle n’est tout simplement pas possible sans la présence d’un corps étranger dur. Il demande alors à son assurance de reconsidérer sa position. Mais elle reste formelle et refuse de nouveau d’entrer en matière.
Une position qu’elle a confirmé à Bon à Savoir en ajoutant que, dans de genre de situation, l’assuré doit fournir la preuve de l’existence d’un corps étranger, soit, en l’occurrence, le petit caillou. Pas de chance pour Richard Cussac: il a été réduit en minuscules morceaux sablonneux, dès qu’il a croqué dedans... Dans ce genre de mésaventure, mieux vaut donc garder toutes les pièces à conviction.
En désespoir de cause, notre lecteur neuchâtelois écrit à l’ombudsman de l’assurance maladie pour demander une médiation, mais celui-ci refuse (lire encadré). Il relance donc une troisième fois son assurance accidents pour faire opposition. A l’heure où nous écrivons ces lignes, une réponse est toujours en attente. Si elle devait encore se révéler négative, Richard Cussac n’aurait pas d’autre choix que de porter l’affaire devant le Tribunal cantonal pour défendre sa cause.
Marie Tschumi
DANS LE DÉTAIL
Ombudsman et assurance maladie
Dans le cas de notre lecteur, l’ombudsman de l’assurance maladie a refusé de contacter l’assureur et de lancer une médiation, car ce dernier avait déjà donné une décision définitive. Il n’est donc pas en mesure de faire quoi que ce soit puisqu’un «procès» est déjà en cours et qu’il n’est pas «formellement compétent» à ce stade de la procédure.
Pour éviter ce genre de situation, il est donc vivement conseillé d’écrire à sa compagnie d’assurance en précisant qu’on désire une prise de position et non une décision définitive, en vue d’une prise de contact avec l’ombudsman.
A noter également que le médiateur n’entre pas en matière si le plaignant est déjà suivi par un avocat ou une compagnie de protection juridique.