Les problèmes de dents, c’est de l’argent. Agnès Maquignaz le sait trop bien. Au début de cette an-née, elle décide de poser une quinzaine de couronnes. «En Suisse, cela m’aurait coûté environ 1500 fr. pièce, raconte-t-elle. Alors j’ai préféré
me rendre chez un dentiste hongrois.»
Il y a deux ans, son mari avait répondu à l’annonce de la société Intega, qui pro-
pose des soins dentaires jusqu’à 80% moins cher en Hongrie. Et comme, aujourd’hui, M. Maquignaz se dit toujours satisfait de son appareil dentaire, même si depuis il s’en est fait fabriquer un autre en Suisse, son épouse est confiante.
Début février, elle se rend dans le bureau d’Intega, dans le canton de Saint-Gall, où elle pense qu’on va lui établir un devis. «Rose-Marie Szakacs, la responsable d’Intega pour la Suisse romande, a effectivement jeté un coup d’œil à mes dents. Le document que j’ai obtenu annonçait un prix de 5055 fr., mais il stipulait que l’établissement des frais provisoires était sous réserve de la consultation du dentiste.»
Arrivée en Hongrie, notre lectrice réalise tout le poids de cette réserve car, après examen, le dentiste évalue les travaux à 8589 fr., soit 70% plus cher que ce qui avait été annoncé par Intega.
«Mon mari et moi avions l’impression de nous être fait avoir, raconte Agnès Maquignaz. D’autant que, une fois sur place, ne parlant pas la langue, nous étions coincés. Par chance, nous avons pu trouver rapidement un autre dentiste pour me soigner à un prix raisonnable.»
Qui est responsable
De retour en Suisse, le couple n’obtient d’Intega que le remboursement partiel de leur séjour en pension. Rose-Marie Szakacs réfute toute responsabilité: «J’avais prévenu Madame Maquignaz que je n’étais pas dentiste et que l’établissement des coûts était provisoire. C’est le praticien hongrois qui est responsable des soins et de leur prix.»
En effet, Intega n’est qu’un bureau de conseil et d’organisation, même si la société propose de soigner les dents en Hongrie. C’est une agence de voyages en quelque sorte. D’ailleurs, les contrats ne comprennent que le logement et les frais d’organisation du voyage.
Mais alors, comment se fait-il qu’Intega établisse une évaluation des coûts du traitement? Selon Alexander Weber, juriste et secrétaire de la société suisse de d’odonto-stomatologie (SSO), c’est illégal: «Une telle démarche suppose un diagnostic, or seul un dentiste est autorisé à le faire.»
A cela, Rose-Marie Szakacs répond: «Nous ne faisons aucun diagnostic. Pour établir les coûts, nous ne nous basons que sur les informations données par le client, sur la liste des prix communiquée par le dentiste en Hongrie et sur la conversation téléphonique que nous avons avec lui. Notre établissement des coûts n’est pas une offre. Un professionnel de santé suisse, dont je ne peux donner le nom, nous a confirmé que c’était légal.»
On peut néanmoins s’étonner que sur cette base Intega établisse les frais d’un traitement au franc près...
Si ça tourne mal
Mais de quels recours aurait disposé notre lectrice si, par malheur, son traitement en Hongrie avait pris des allures de catastrophe? «Si ça se passe mal, met en garde Alexander Weber, il faut déposer plainte en Hongrie et c’est très, très compliqué. A ma connaissance, personne n’est encore parvenu à établir la culpabilité des organisateurs en Suisse.»
La question méritait d’être posée, car une étude de l’Université de Berne a démontré que la qualité du travail effectué en Hongrie ne répondait pas du tout aux standards suisses (lire encadré): «39% des patients traités ont été mutilés», s’exclame le professeur Andreas Joss, coauteur de l’étude.
Coûteuses économies
En effet, les médecins suisses sont souvent obligés de réparer les dégâts causés à l’étranger, quand c’est encore possible.
Intega, qui envoie chaque année quelque 160 clients en Hongrie, dit n’avoir jamais eu de plaintes.
Il n’empêche, les conclusions alarmantes de l’étude universitaire bernoise et la quasi-impossibilité d’interpeler la justice hongroise en cas de problème devrait décourager même les plus économes de s’adonner au tourisme dentaire.
Joy Demeulemeester
comparaison neutre
Qualité des soins dentaires en Suisse et en Hongrie
La Clinique dentaire universitaire de Berne a mené, en 1997, une étude auprès de
103 patients, dont 38 avaient été soignés en Suisse et
46 en Hongrie. Des examinateurs neutres, ignorant où ces patients avaient été traités, ont évalué la qualité
du travail sur la base d’un examen parondontal: caries, présence ou absence de facteurs favorisant la rétention de plaque, ainsi que sur la base d’un status radiologique complet. La comparaison ci-dessous porte sur la qualité standard des couronnes et des prothèses.
Qualité du travail SUISSE HONGRIE
Excellent 11% 0%
Bon 26% 0%
Acceptable avec de légers défauts 37% 20%
Insuffisant, équivalent à un
manquement professionnel 26% 11%
Mutilation de la dentition 0% 39%