Certains sourient des petits jardins parsemés de minichalets en bordure de routes. Mais pour les citadins qui les cultivent, c’est un univers de détente et de verdure, idéal pour les enfants. L’endroit favorise aussi les rencontres et les échanges. Sans oublier qu’on y cultive ses propres fruits et légumes, «bien meilleurs qu’au supermarché», comme le dit René Grandjean, président du comité du jardin familial des Prés-de-Vidy à Lausanne.
Sous leur aspect folklorique, ces jardins sont des ensembles structurés, avec un comité qui gère les parcelles, rattaché à une fédération locale. Les terrains sont en majorité mis à disposition par des collectivités publiques (communes, associations, etc.). Mais ne s’improvise pas jardinier qui veut. Quelques exemples:
– «A Lausanne, comme ailleurs, ces jardins étaient à l’origine accordés aux familles en fonction du revenu, raconte M. Grandjean. Aujourd’hui, il suffit d’habiter la commune et d’avoir un enfant à charge.»
– Certaines sections obligent les novices à suivre des cours, tel celui pour un jardinage proche de la nature, à Berne. Car les responsables tentent de limiter l’utilisation d’engrais chimiques.
– Financièrement, une parcelle (100 à 300 m2) coûte en moyenne 1 fr./m2 par an. Ce montant inclut la location de la parcelle, les cotisations pour le groupement et les frais d’eau. Sans compter les outils, les semences, les plantons, etc. Si la parcelle est pourvue d’un cabanon, il faut l’assurer. Et inutile d’espérer s’autofinancer en vendant sa récolte: c’est interdit.
– Enfin, être petit jardinier nécessite surtout une certaine disponibilité et de la discipline: «Nous attribuons une petite parcelle à l’essai pendant la première année, explique M. Grandjean. Certains pensent avoir la main verte, puis se rendent compte que c’est plus compliqué, que cela demande plus de temps que prévu. Il faut au moins un jour de travail par semaine en début de saison et deux jours quand tout pousse.»
Paresseux exclus
Et ceux qui préfèrent organiser des grillades pour les copains au lieu d’arracher les mauvaises herbes risquent l’exclusion du groupement. Car cultiver et entretenir sa parcelle est obligatoire.
Les jardins familiaux sont en effet le règne du «propre en ordre», aux règles strictes sur certains points: hauteur des clôtures, dimensions des cabanons, etc. «Sans contrôle, cela peut vite devenir des bidonvilles», sourit Frédéric Schär, président de l’Association romande des jardins familiaux*. Il déplore l’existence de jardins «sauvages», loués par des privés, non organisés et sans statuts: «Ils nous font du tort. Le but des vrais jardins familiaux, c’est d’avoir du plaisir, non de servir de dépotoir. L’aspect est d’ailleurs aussi important pour les habitants des alentours.»
De plus, des terrains mal entretenus faciliteraient la décision des autorités de les réaffecter: «Nous n’avons aucune garantie sur l’affectation future de nos jardins», regrette René Grandjean. Si la municipalité de Lausanne, heureusement plutôt favorable à ces jardins, voulait nous expulser, elle le pourrait dans les 6 mois.» Ailleurs, ce délai est plus court encore. Et il est toujours plus difficile de renouveler les baux à longue échéance. L’avenir des 28500 membres de la Fédération suisse des jardins familiaux n’est donc pas assuré.
Pour M. Schär, le maintien des jardinets est pourtant essentiel. Comme il l’a souligné en 1996 dans une étude pour la Faculté de droit et des sciences économiques de Limoges (F): «De nécessité économique le rôle du jardin familial est passé à une forme de nécessité sociale (...), une alternative de verdure et d’oxygénation face à l’intensification de l’urbanisation de nos villes.»
Alternative recherchée par bien de citadins. Presque partout, la demande dépasse le nombre de jardins disponibles. La fédération genevoise (2000 membres) affiche ainsi une liste d’attente de 650 personnes. «Nous recevons aussi toujours plus de demandes de jeunes, de chômeurs, cherchant une occupation saine, note René Grandjean. Mais les listes d’attente sont une sorte de garantie de la pérennité des jardins familiaux face aux autorités», conclut-il.
Ellen Weigand
*Association romande des jardins familiaux, cp 551, 1214 Vernier.
Les téléphones s’emballent – A peine les deux sociétés choisies pour concurrencer Swisscom dans le marché des natels (Diax et Orange), Sunrise se lance sur le marché des communications nationales (téléphonie à fil, mais sans les appels locaux), avec des tarifs inférieurs à 20% par rapport à Swisscom.
Des chiffres à rectifier – Les réserves de guerre sont devenues inutiles et coûteuses. Nous vous en avons longuement parlé dans notre numéro d’avril et en restons convaincus, malgré deux erreurs de chiffres assez grossières: ce ne sont pas 7 tonnes de denrées alimentaires, carburant, fourrage, engrais et médicaments qui dorment dans les dépôts, mais bien 7 millions de tonnes! Et leur valeur totale n’est pas de 6 milliards, mais de 600 millions de francs...
Autre précision chiffrée: le livre du Dr Alain Golay, cité dans notre article «Le régime miracle n’existe pas», coûte en fait 32,40 fr.
Bisbille autour d’un médicament – Que se passe-t-il lorsque la Confédération décide que le prix d’un médicament doit baisser et que le fabricant s’y oppose? Ce dernier retire son produit de la liste des spécialités et, du coup, les caisses maladie n’ont plus à le rembourser... Tel sera le cas du médicament contre l’hypertension «Moduretic» dès le 1er août prochain. Une seule solution: optez pour un générique, bien meilleur marché. Demandez à votre médecin de choisir parmi la liste suivante: Amilo-basan, Betadiur, Comilorid, Grodurex, Modisal, Amilorid comp UPSA, Co-Amilorid-Cophar, Ecodurex, Hydrolid, Rhefluin.
UN PETIT TOUR À VIDY
Drapeaux et odeurs de barbecue
Fin de matinée aux Prés-de Vidy, l’un des jardins familiaux lausannois. Sur les parcelles flottent des drapeaux de divers cantons et de pays du monde entier. Un mur d’arbres atténue le bruit de
l’autoroute. Rares sont les petits jardiniers qui ne se sont pas laissés décourager par le ciel nuageux. Mais Lorenzo S., alerte sexagénaire, bêche ferme. «J’ai déjà fait le café pour les copains, comme tous les dimanches. Je vous offrirais bien un verre, mais j’ai promis à ma femme que ce coin sera en ordre quand elle viendra avec le dîner.»
Ce couturier italien cultive ses légumes depuis 1976. Il passe tous ses loisirs ici. Fils d’agriculteur, il jardine par amour de la terre et pour être dehors, à l’air. Et quoi de meilleur que de manger les légumes de chez soi. «J’ai amené des semences d’Italie, des choses que les Suisses ne connaissaient pas, telles les fleurs de courgette, la rucola, les aubergines. Maintenant tout le monde en cultive.» Ce qu’aime Lorenzo, c’est l’esprit d’entraide des jardins. Son cabanon blanc, ce sont les voisins qui l’ont aidé à le construire. Ce qui a changé en vingt ans? «Le nouveau comité est un peu trop sévère. Mais il faut bien préserver l’ordre», nuance-t-il.
Après avoir passé à côté d’un groupe de nains avec leur Blanche-Neige, rencontre avec une femme dans la cinquantaine. Elle retourne énergiquement la terre au son de sa radio. «Quand il y a les voisins du Sud, on n’entend pas la radio.» Elle s’occupe de personnes âgées et vient ici pour s’aérer les poumons et l’esprit. «C’est un vrai besoin. Quand il n’y a rien à faire je viens pour lire ou pique-niquer, ou faire une broche avec des amis.» Les légumes, elle les donne à ses enfants. Veuve depuis deux ans, elle cultive seule ses 200 m2, loués depuis 5
ans: «C’est pas du travail, mais une détente.» Le jardinage, elle connaît depuis l’enfance: «Mais j’apprends aussi des nouveautés des voisins. On s’échange des trucs.»
Le ciel s’est éclairci. De petits groupes endimanchés ou en training arrivent pour l’apéritif. Certains repartent après avoir ramassé un bouquet d’herbes aromatiques. Ici et là, de petits nuages de fumées annoncent le début des grillades du dimanche.