Lorsque Madame Durant (*) a décidé
d’engager Martina (*) comme femme de ménage, cette dernière a été très claire: «Naturellement, vous ne me déclarez pas. Sinon, ça ne vaut pas la peine.» Madame Durant a bien un peu hésité, mais pas longtemps. Finalement, tout le monde n’y trouvait-il pas son compte? Martina toucherait un salaire net, sans déduction pour l’AVS, l’AI et le chômage, et surtout net d’impôts. Quant à Madame Durant, elle économiserait également sa part de charges sociales.
Oui, mais en même temps et sans vraiment s’en rendre compte, Madame Durant se met hors la loi et risque de gros ennuis. Que Martina change d’avis ou qu’un charmant voisin joue les délateurs, autrement dit, que cette situation arrive à l’oreille de la justice, et elle devra alors payer des sommes élevées pour les cinq années écoulées.
Il n’y a donc qu’une (bonne) méthode pour engager une femme de ménage: fixer un salaire correct (entre 18 et 25 fr. selon l’âge et l’expérience), contracter les assurances prévues par la loi et remplir les conditions d’un contrat de travail.
La plupart des employeurs occasionnels et des employées de maison ne savent même pas que leur relation a été réglée dans le détail dans des contrats-type de travail (CTT). Chaque canton a le sien et il est automatiquement valable, à moins que les parties aient pris d’autres
décisions par écrit. On peut l’obtenir auprès de l’Office cantonal du travail.
Le contrat de travail
Or, que disent ces CTT? Par exemple, que les employées de maison ont droit au paiement de leur salaire (pendant plusieurs semaines) en cas de maladie, d’accident ou de grossesse. Autrement dit: si Martina est au lit avec une grippe, Madame Durant va non seulement devoir assurer elle-même le ménage, mais elle devra aussi payer son employée. En revanche, si Madame Durant est malade et ne supporte pas le bruit de l’aspirateur, elle pourra certes congédier Martina, mais elle devra quand même la payer. Il en va de même lorsque l’employeur s’en va en vacances.
A propos de vacances: l’employée de maison a droit, suivant son âge, à quatre à six semaines par année. Dans certains cantons, l’indemnisation est incluse dans le salaire à l’heure. Mais là où les CTT ne prévoient pas cette possibilité, les deux parties doivent trouver un terrain d’entente. On compte, pour quatre semaines de vacances, un supplément de 8,3% à
inscrire distinctement sur la fiche de salaire. Et que les employeurs qui, jusqu’à aujourd’hui, n’ont pas accordé de telles prestations ne se
réjouissent pas trop tôt: leur femme de ménage peut faire valoir ses droits rétrospectivement sur les cinq dernières années!
Trop de risques
En acceptant d’engager Martina au noir, Madame Durant se met aussi en conflit avec passablement d’autres personnes.
˛ Les assurances. Madame Durant doit contracter une assurance professionnelle pour son employée. Son prix est le même chez n’importe quel assureur: 100 fr. par an. Mais si Martina «poutze» plus de 12 heures par semaine, une assurance non professionnelle est aussi nécessaire. En revanche, dans ce dernier cas, la prime est couverte par l’employée.
Que va-t-il se passer si
Madame Durant omet de contracter une assurance? A supposer que Martina tombe de l’échelle tandis qu’elle nettoie les fenêtres, une caisse supplétive, prévue par la LAA, va couvrir les frais inhérents. Mais attention: elle lui demandera alors de payer
rétrospectivement les primes des cinq dernières années, avec un intérêt de retard de 1% par mois, donc de 60% sur cinq ans!
• L’AVS. Madame Durant doit aussi inscrire Martina auprès de la caisse AVS, à qui elle devra payer 13,1% du salaire brut (AVS, AI et LCA). La moitié de ce montant peut être déduit du salaire. Là encore, les primes impayées peuvent être réclamées rétrospectivement pour les cinq dernières années.
• Les impôts. Pour des employés étrangers sans permis d’établissement, l’employeur est responsable du paiement de l’impôt à la source. S’il n’y prête garde, il risque de devoir payer les impôts arriérés, plus une amende!
Pas de doute: en régularisant sa situation, Martina va revenir nettement plus cher à Madame Durant qu’en travaillant au noir. Du coup, cette dernière va peut-être hésiter à la garder. Qu’elle sache donc, en guise de conclusion, qu’elle ne pourra le faire du jour au lendemain: les CTT prévoient en effet des délais de congé variant entre un et trois mois! (*) noms d’emprunt