Entre Chris Rohrbach et ses parents, un marché a été conclu: ses parents lui ont offert un mobile, mais l’adolescent s’acquitte de ses factures. Le jeune homme fait attention: la plupart du temps, il se débrouille pour se faire rappeler, et fait un usage modéré des SMS.
Il saute donc en l’air à la réception de sa facture de décembre 2000, sur laquelle figure la somme de 208 fr. due à Swisscom pour l’en-voi de quelque 1120 SMS! Alain Rohrbach, père de Chris, acquiert rapidement la conviction que son fils est de bonne foi lorsqu’il affirme n’avoir en aucun cas envoyé un nombre aussi ahurissant de messages. Il demande à Swisscom un détail de la facture; le document le conforte dans sa conviction: «Mon fils passe ses soirées avec nous. Il envoie bien de temps à autre un SMS, mais n’atteint jamais la moyenne de 32 messages entre 19 h et 22 h! argumente notre lecteur d’Arzier. Et nous avons passé le réveillon du 31 décembre en famille: à aucun moment, Chris n’aurait pu envoyer les 110 messages mentionnés par le listing pour cette soirée-là.»
Un cas pas isolé
Chris Rohrbach n’est pas le seul abonné mobile de Swisscom qui ait reçu des factures sans mesure avec les appels effectués. Le cas de Cédric Bouton est plus ancien – mais encore plus cuisant: à en croire Swisscom, ce lecteur de Bon à Savoir aurait envoyé une moyenne de 1200 SMS par mois de février à juillet 2000.
Cédric Bouton conteste sa facture. Sur sa demande, Swisscom effectue des con- trôles «minutieux» à sa centrale des appels mobiles, et affirme que les SMS contestés ont bien été envoyés à partir de sa carte SIM. Même si l’opérateur précise ne pas être en mesure, «pour raisons techniques», de communiquer les numéros des destinataires des SMS, il exige le paiement dans les 10 jours des factures en souffrance, et suggère que le nombre exceptionnel de SMS est dû à un usage peu réfléchi de cette fonction, facilité par «la convivialité des appareils», l’existence des info-services et la possibilité de dialoguer par messages.
Hacking…
Tant Cédric Bouton que Chris Rohrbach contestent avoir fait preuve de cette frénésie mobile. Alors, piratage? «Je ne suis pas au courant de cas de ce genre, répond prudemment Bruno Giussani, journaliste spécialiste de l’Internet mobile. Il s’agirait alors plutôt d’un hacking du serveur SMS que du téléphone lui-même. Il serait intéressant de savoir si les messages ont été adressés à des numéros séquentiels (333 4444, puis 333 4445, puis 333 4446, etc.), auquel cas il pourrait s’agir d’envois publicitaires pré-programmés. Il faudrait aussi vérifier si ces SMS ont été envoyés à des numéros que l’abonné n’a jamais contactés par ailleurs.»
Malheureusement, dans le cas des SMS, Swisscom ne communique pas les numéros des destinataires aux abonnés qui demandent le détail de leur facture. «La loi ne l’exige que pour les appels directs, justifie Christian Neuhaus, porte-parole de l’opérateur. Or, les SMS sont envoyés à un serveur, qui les achemine à son tour aux destinataires.
... ou erreur?
Un peu raide, pour un opérateur qui ne craint pas d’exiger le paiement des factures litigieuses dans les 10 jours… D’autant que la concurrence (par exemple Orange) le fait, elle! «Nous avons connaissance du problème, et allons mettre en œuvre un système plus détaillé», promet le représentant de Swisscom, qui n’est toutefois pas en me-
sure de donner une date, même indicative.
Reste la possibilité de l’erreur informatique. «Impossible, tranche M. Neuhaus. L’enregistrement des données transmises par l’appareil appelant à la centrale permet de spécifier que c’est sa carte SIM, et pas une autre, qui est en cause. Et comme il n’y a aucune intervention humaine sur le processus, il est impossible de modifier ces données.» Entre des systèmes informatiques considérés comme infaillibles et des abonnés dépeints comme des onanistes technologiques compulsifs, Swisscom a en tout cas choisi où placer sa confiance.
Blaise Guignard
au-delà des frontières
Le cul de-sac français
«Depuis quelque temps, je cherchais à acheminer des SMS depuis la Suisse à destination de la France, raconte Pierre Bovay, un lecteur de Rougemont. Mon appareil m’indiquait avoir envoyé le message, mais mon correspondant ne le recevait jamais! La hotline de Swisscom m’a finalement fourni l’explication: Swisscom achemine bel et bien les SMS jusqu’à la frontière, mais les opérateurs, soucieux de ne pas surcharger leurs lignes, ne les relaient pas et les détruisent. Swisscom se garde bien d’en avertir ses clients, qui paient tout de même pour ces SMS!»
Renseignements pris, notre lecteur a parfaitement raison. Porte-parole de Swisscom, Christian Neuhaus précise toutefois que l’opérateur est en discussion avec les opérateurs hexagonaux pour trouver une solution, et souligne que le cas de la France est unique. Exception française oblige…