La guerre que se livrent des serruriers à Genève a connu, ces derniers mois, un regain d’agressivité dans les méthodes publicitaires. Après avoir longtemps collé les autocollants portant le nom de leur raison sociale dans les entrées d’immeuble, puis à l’intérieur du compartiment pour les colis des boîtes aux lettres, ils ont passé au stade suivant. Ainsi, c’est en ouvrant la partie fermée à clé de leurs boîtes aux lettres que de nombreux Genevois ont découvert ces autocollants.
«Recevoir des papillons publicitaires est une chose, se voir coller de force des stickers en est une autre», s’insurge Vesna Cvjetanovic. Notre lectrice a donc appe-
lé la serrurerie en question pour se plaindre et s’est entendu dire que les gens étaient, en général, plutôt contents d’avoir un numéro d’urgence à composer en cas de besoin. «En plus, quand j’ai enlevé l’autocollant, la peinture est partie avec! Je n’ose pas imaginer l’état de nos boîtes aux lettres si toutes les annonces publicitaires nous parvenaient sous cette forme!»
Réactions agacées
Une autre de nos lectrices genevoises, Danièle Revillard, a vécu la même mésaventure et a également réagi avec agacement. «En plus, quand j’ai appelé l’entreprise pour me plaindre, on m’a répondu très grossièrement et, lorsque j’ai demandé si c’était légal, on m’a carrément raccroché au nez.»
Pour les gérances, ce phénomène dépasse les bornes, comme l’explique une responsable de la régie d’une de nos lectrices. «Nous nous battons en permanence pour que les entrées d’immeuble soient propres et nous retrouvons ces autocollants partout: dans les ascenseurs, les entrées, les parkings. De plus, légalement, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Nous leur écrivons régulièrement pour les mettre en demeure de cesser ce manège ou pour les menacer de faire enlever ces publicités à leurs frais. Mais nous savons bien qu’il nous serait difficile de récupérer ces montants. Et puis, franchement, nous avons d’autres priorités.»
Des enfantillages!
Contactées par Bon à Savoir, les deux sociétés impliquées, à savoir la serrurerie Silva et les Serruriers d’Urgence, minimisent les faits. Aussi bien chez l’une que chez l’autre, on admet du bout des lèvres avoir reçu au plus une vingtaine de plaintes seulement, alors que la première dit avoir collé dix mille autocollants et la seconde… cent mille!
Et les serruriers de s’accuser mutuellement d’avoir ouvert les hostilités. «Ils collaient leurs autocollants par-dessus les nôtres», se plaint le patron de Silva. «Ils arrachaient nos autocollants pour mettre les leurs à la place», rétorque celui des Serruriers d’Urgence.
Trêve annoncée
Mais, bonne nouvelle, tous deux affirment en avoir terminé avec ces procédés, grâce au travail de médiation mené par le police, qui avait été avertie de leurs méthodes. Ainsi, la serrurerie Silva distribue désormais ses autocollants dans la boîte aux lettres. «Comme ça, les gens les collent où ils le désirent.»
Et les Serruriers d’Urgence disent avoir choisi le traditionnel papillon publicitaire. Ne reste plus qu’à espérer que la trêve annoncée soit définitive.
Jacqueline Favez
que dit la loi?
Un «délit» difficile à identifier
Lorsqu’on retrouve un autocollant dans la partie privative de sa boîte aux lettres, on est en droit de se demander si elle a été ouverte. «Les entreprises de serrurierie qui les ont collées m’ont répondu que non, raconte Danièle Revillard de Genève. Ils auraient utilisé du fil de fer ou un clou pour apposer l’autocollant à l’intérieur. Mais il n’empêche que je trouve cette façon de faire totalement incorrecte. C’est une intrusion dans ma vie privée, comme si on avait essayé d’entrer chez moi. Je l’ai ressenti comme une violation de domicile.»
Or, la violation de domicile est passible de poursuites pénales (art. 186 du Code pénal). Cependant, il semble relativement difficile de pouvoir invoquer ce délit, dans le cas des boîtes aux lettres. En effet, la loi concerne plutôt les habitations, locaux, garages et autres espaces clos tels que les jardins dans lesquels on aurait pénétré indûment. Par contre, le dommage à la propriété (art. 144) pourrait éventuellement être invoqué, au même titre que pour les graffitis, par exemple. Pour autant qu’on veuille réellement engager une procédure pénale.
Sur le plan civil, on peut toujours dénoncer une publicité qu’on jugerait agressive ou déloyale à la Commission suisse pour la loyauté, Kappelergasse 14, Case postale 2744, 8022 Zurich.
tél. 01 211 79 22;
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