Ce fut une sacrée mauvaise surprise. A la fin de 2009, Madame Durant* vend un appartement dont elle a hérité. Elle décide à cette occasion de rembourser le crédit hypothécaire de 100 000 fr. pesant sur les lieux. La transaction effectuée, elle reçoit un courrier de la banque qui va la laisser sans voix: l’établissement a retenu 11 200 fr. de «commission» sur l’opération!
Mais à quoi correspond donc cette somme? Il s’agit en fait d’une indemnité de résiliation anticipée. Cette pratique bancaire est courante et intervient lorsqu’un client – ou son héritier – rembourse un prêt hypothécaire sans respecter les échéances prévues par le contrat. Ici, le prêt a été conclu par la mère de notre lectrice en 2006 pour un montant de 100 000 fr. à taux fixe de 3,7%, échéance à dix ans. A la suite du décès de cette dernière, notre lectrice a vendu l’appartement hérité et remboursé l’hypothèque qui était liée à ce bien immobilier en octobre 2009. Or, cette résiliation anticipée intervient presque sept ans avant l’échéance prévue par le contrat, privant la banque d’autant d’années d’intérêts.
Calcul de l’indemnité
En cas de résiliation anticipée, les établissements bancaires facturent des indemnités dont le calcul repose sur la différence entre le manque à gagner au niveau des intérêts et le gain que rapportera le montant remboursé, que la banque va placer sur le marché des capitaux. Pour cette affaire, cet établissement n’a pas souhaité nous fournir le calcul précis. Selon nos recherches, le montant demandé paraît toutefois correct: pour le prêt de 100 000 fr., la banque aurait dû percevoir 3700 fr. par an pendant encore six ans et 118 jours, soit quelque 23 400 fr. d’intérêt. De ce montant, l’établissement a déduit les intérêts qu’elle va percevoir en plaçant la somme remboursée.
A la fin de 2009, cet argent pouvait être placé à 1,75%, ce qui fait environ 11 000 fr. pour six ans et demi. La différence (23 400 fr. – 11 000 fr.) est donc de 12 400 fr., ce qui correspond bien à l’indemnité facturée à notre lectrice, à savoir 11 200 fr. de «commission» (pour 6 ans) et 1200 fr. (pour les 118 jours de la 7e année).
Les stratégies
Les indemnités pour résiliation anticipée peuvent atteindre des montants très importants. Face à cette situation, il existe deux grandes stratégies, mais elles ne fonctionneront pas à tous les coups.
- La première consiste à convaincre l’acheteur de reprendre le prêt hypothécaire jusqu’à son échéance. Cette solution fonctionnera facilement si le taux du prêt est inférieur au taux actuel. Or, ils n’ont cessé de baisser ces dernières années… Les taux fixes à dix ans sont actuellement au-dessous de 3%, et il serait donc difficile de décider l’acquéreur à reprendre un crédit antérieur. On peut toutefois choisir de lier obligatoirement l’achat du bien immobilier à la reprise de l’emprunt hypothécaire et de la cédule hypothécaire. Les frais de notaire que l’acheteur économisera avec la reprise de la cédule peuvent alors servir d’argument pour le convaincre de reprendre un emprunt dont le taux fixe est légèrement supérieur au taux actuel.
- La seconde stratégie consiste à se renseigner auprès de sa banque sur le montant à payer en cas de remboursement anticipé, puis d’ajouter cette somme au prix de vente initialement prévu. Cette stratégie a toutefois ses limites, car le prix de vente sera trop élevé si l’on répercute une somme importante.
Sébastien Sautebin
*Nom fictif
Déductible des impôts
Certains cantons permettent de déduire des impôts l’indemnité de résiliation anticipée. En Suisse romande, c’est le cas de Fribourg, Genève, Valais et Vaud ainsi que du Jura bernois. A Neuchâtel, la déduction n’est possible que si le prêt est reconduit, c’est-à-dire lorsqu’un prêt remboursé est remplacé par un autre à des conditions plus favorables. Dans le Jura, l’indemnité n’est pas déductible.