Quentin n’a que 4 ans. Mais ses parents croisent déjà le fer avec sa caisse maladie. Intras vient en effet de résilier son assurance complémentaire Due+ à cause d’une «réticence». En remplissant le questionnaire santé, sa mère a en effet coché «non» à la question «Suivez-vous actuellement ou avez-vous suivi un traitement médical, de médecine naturelle ou complémentaire?». Même réponse à la question «Au cours des cinq dernières années, avez-vous consulté ou été en traitement auprès d’un médecin, chiropraticien, psychothérapeute ou naturopathe pour d’autres raisons?». L’assurance a ensuite été conclue sans problème.
Pas de distinction
Mais lorsqu’en fin d’année dernière, sur conseil d’une ortophoniste, Quentin se rend chez un ostéopathe, Intras se renseigne et découvre que l’enfant y est déjà allé à l’âge de deux et neuf mois, pour des problèmes de régurgitation, puis de troubles du sommeil.
Cela n’a certes rien à voir avec les problème actuels, mais peu importe: la loi ne fait pas la distinction et permet à un assureur d’invoquer – sans limite dans le temps – une réticence du moment qu’il trouve une erreur ou une omission dans le questionnaire de santé. Il peut alors non seulement résilier l’assurance avec effet immédiat, mais aussi conserver les primes, tout en exigeant le remboursement rétroactif des prestations.
Loi défavorable
La mère de Quentin est révoltée: «Je n’ai jamais voulu cacher quoi que ce soit. J’ai simplement estimé que ces séances d’ostéopathie – deux pour chaque problème – n’étaient pas des traitements, mais des interventions ponctuelles. Et depuis avril 2001, soit durant deux ans et demi, mon fils n’est plus jamais retourné chez un ostéopathe.»
Une révolte qui embarrasse Jean-Yves Rapin, directeur général de Intras: «Je déteste ce genre de cas et je comprends sa colère. Mais la réticence est claire et pour des raisons d’égalité envers tous les assurés, nous ne pouvons pas faire d’exception.»
La loi est très généreuse pour les assureurs et sa révision est en cours, mais traîne en longueur. Dommage, car elle prévoit d’introduire le principe de la «spécialité de la réticence», qui ne permettrait plus à l’assureur de refuser des prestations sous prétexte de réponses inexactes portant sur d’autres affections. En l’état actuel, un éventuel recours des parents de Quentin a donc peu de chances d’aboutir à cause de leur réponse négative à la première question. En revanche, un ostéopathe n’est ni un médecin, ni un chiropraticien, ni un psychothérapeute, ni un naturopathe, et c’est donc vraisemblablement à tort que Intras invoque là aussi une réticence.
Veiller au grain
Juridiquement, l’affaire semble toutefois entendue, même si les tribunaux limitent parfois les injustices. Ils ont, par exemple, estimé qu’une assurée qui n’avait pas signalé une douzaine de séances
de physiothérapie pour des douleurs dorsales huit ans avant d’avoir signé un contrat n’avait pas commis une réticence. Mais pour la mère de Quentin, c’est l’histoire du serpent qui se mord la queue: «Je viens de faire une demande auprès d’une autre caisse maladie, qui refuse de me faire une offre parce que j’ai noté les deux séances pour les troubles du sommeil. Face à mon étonnement, l’assureur m’a répondu: “Puisque vous le notez, c’est que cela doit être grave!”. Et j’ai sous les yeux le questionnaire d’une autre caisse encore, où il est précisé qu’un traitement correspond à “au moins trois consultations en série”. Quelqu’un peut-il dès lors me dire ce qu’il faut noter ou pas?»
Non, personne! Une caisse devra bien sûr s’en tenir aux précisions qu’elle donne, mais si elle reste floue, mieux vaut éviter d’interpréter.
• En cas de doute, mentionnez-le. Par exemple, à la question «Avez-vous souffert de troubles dorsaux par le passé?», répondez: «Non, pas à mon souvenir». Ou: «Non, sauf erreur». Ce sera alors à la caisse maladie de creuser la question si elle l’estime utile.
• Ne croyez jamais un courtier qui vous suggère de passer telle ou telle affection sous silence: même si c’est lui qui remplit le questionnaire, votre signature vous engage formellement.
• Seul le patient est habilité à délier le médecin du secret médical. Et son consentement doit être libre, éclairé et particulier. Les clauses générales de libération du secret médical, que l’on retrouve dans de nombreux contrats, ne sont donc pas valables et ne vous lient pas sur le plan juridique.
• Sachez enfin que la réticence doit être invoquée dans les 28 jours suivant la date où l’assureur en a pris connaissance (celle à laquelle il a reçu le rapport de l’ostéopathe dans le cas de Quentin).
Christian Chevrolet