Les marchés à la ferme ont tout pour plaire: prix, convivialité, qualité et image. Cette dernière fait saliver les gros distributeurs.
Les cochons ont les cuisses carrées, le lait vient de la brique et, chez nous, fraises et bananes poussent toute l’année. C’est la fiction entretenue par les supermarchés. Insidieusement, elle a fini par dépasser la réalité, privant les consommateurs de repères, poussant dans l’anonymat les producteurs locaux, mettant des étiquettes et de l’uniformité là où régnait l’originalité et la saveur.
Mais cette évolution n’a rien d’inexorable. Voici quelques années, le réveil s’est produit, tant du côté des agriculteurs précarisés par la mondialisation, que de celui des consommateurs gavés de vache folle et de poulet à la dioxine. A la volonté des premiers de valoriser leurs produits a répondu celle des seconds d’accéder à de «vrais aliments», aux pedigrees loyaux. Deux facteurs qui ont favorisé l’essor de la vente, directement à la ferme, de produits fleurant bon le terroir – de la viande aux légumes, en passant par tous les délices de la gastronomie paysanne: confitures, huiles, jus de fruits, etc.
Les paysans attirés par ce nouveau mode de vente de leurs produits se sont rapidement organisés, tant pour bénéficier de structures communes que pour clarifier leurs objectifs. L’Association des marchés paysans (AMP) est née en novembre 1997. Regroupant une soixantaine de membres romands, elle est présidée par Denis Pache, un agriculteur maraîcher exploitant, avec son frère Samuel, un domaine à Romanel-sur-Lausanne. «Tous les producteurs faisant de la vente directe ne sont pas membres de l’AMP, précise ce grand moustachu. En extrapolant, on peut estimer qu’environ six agriculteurs sur dix vendent directement une part de leur production. Mais ceux qui en dépendent pour vivre sont moins nombreux.»
n Un rôle d’épicerie
Pour vivre, ou survivre. «C’est sûr que la vente directe représente une alternative importante à la vente aux coopératives, confirme Denis Pache, qui tire l’essentiel de ses revenus de cette activité. Mais ce n’est pas une sinécure. L’investissement en temps peut atteindre 80%, et il faut un certain goût pour le contact. Et puis, on doit apprendre un nouveau métier: le commerce de détail.»
Pour les membres de l’association, cela signifie se plier à des contraintes légales – en matière d’hygiène, de mesures, etc. – aussi bien qu’à des obligations conventionnelles. Car le pilier de l’AMP, c’est la «Charte des marchés paysans». En la signant, les membres s’engagent notamment à pratiquer des prix équitables et à ne vendre, sauf exception, que les produits de leur propre exploitation. Garantie? Une totale transparence: aux consommateurs venus remplir leur panier, les paysans disent tout sur la botte de carottes convoitée, jusqu’aux «fluctuations climatiques et naturelles touchant à l’apparence ou au prix», comme le dit la Charte. On s’en doute, cette transparence invite au dialogue. L’ambiance se fait conviviale, un «pont entre ville et campagne» se construit.
Image séductrice
De plus en plus nombreux à se rendre à la ferme pour leurs emplettes, les consommateurs ne s’y trompent pas. «Parfois, le marché paysan joue même un rôle socialement important, comme à Apples, où il est devenu un point de rencontre», note Denis Pache.
Certes, le marché paysan donne de l’agriculture une image bucolique, pas étrangère au succès de la vente directe. Et qui fait saliver les grands distributeurs. «On ne leur fait pas vraiment concurrence, mais on sent bien qu’ils aimeraient s’approprier cette image», sourit M. Pache. Sans pour autant s’inquiéter. Il est vrai que de ce marché paysan qui respecte le terroir, ses produits, les producteurs et les consommateurs, il n’y a guère que l’image qui soit susceptible de se retrouver un jour dans les rayons des supermarchés. Blaise Guignard
pratique
Pratique
Directement de la ferme au panier
˛ Ne confondez pas:
– le marché à la ferme où les horaires d’ouverture sont définis par les exploitants;
– les fermes pratiquant la vente directe, en revanche, accueillent les clients sans horaires fixes, mais sans infrastructure. L’achat se fait parfois en libre-service… paiement compris.
˛ On trouve la liste des membres de l’Association des marchés paysans sur une brochure mise à jour chaque année, disponible aux adresses suivantes:
– Marchés Paysans,
CP 128, 1000 Lausanne;
– Denis Pache, ch. du Boulard 1, 1032 Romanel, tél. 079/293 87 09;
– sur le web:
http://www.agirinfo.com/
adresses/adresse.htm
Ce que vous y trouverez: viande, œufs, fromages, légumes et fruits de saison, jus de fruits, mais aussi confitures et gelées, huiles, raisinée, vinaigres, fleurs, pains, pâtisseries, plantons…
Les prix recommandés par l’AMP sont publiés chaque semaine dans la presse spécialisée (Terre & Nature, Agri-Hebdo, etc.).