En décembre 2007, la Commission fédérale des maisons de jeu (CFMJ) décidait de classer certaines formes de poker non plus comme un jeu de hasard, mais comme un exercice requérant adresse et stratégie. Ce faisant, elle autorisait la tenue de tournois hors des maisons de jeu.
Ce feu vert est toutefois soumis à des règles précises. Le poker doit notamment se pratiquer sous forme d’un tournoi de type Texas Hold’em, sans possibilité d’entrée ou de sortie en cours de partie. Et le Buy-In (droit d’entrée obligatoire), limité à 500 fr., sera fixé à l’avance, de même que la quantité de jetons par joueur à l’ouverture du tournoi. Le règlement du tournoi doit également détailler la cadence des enchères et la structure des prix.
La CFMJ avait d’abord prévu d’examiner le programme de chaque partie, un défi impossible à tenir au vu du succès grandissant du poker. Elle propose donc désormais sur son site www.esbk.admin.ch des modèles de tournoi. Les organisateurs fidèles à ces directives n’ont ainsi plus besoin de la solliciter.
Cacaphonie cantonale
Si les règles de base sont les mêmes partout, les exigences pour l’organisation sont, elles, du ressort des cantons. Résultat: une véritable cacophonie!
- Genève, très sévère, interdit les tournois chez les privés, tout comme dans les cafés et restaurants, mais pas dans les locaux communs sans débit de boisson (salles communales). Pour lutter contre le blanchiment d’argent, les organisateurs doivent enregistrer le nom de tous les participants. Ils s’acquitteront enfin du droit des pauvres (13% de la recette brute versée par l’ensemble des joueurs).
- Neuchâtel et Jura n’autorisent pas non plus les jeux d’argent dans les établissements publics, mais tolèrent les tournois privés.
- Vaud est le seul à avoir édicté un règlement spécifique qui oblige les organisateurs à solliciter une autorisation pour chaque tournoi, qu’il soit organisé chez un privé ou dans un café. Ils enregistreront les participants et les informeront des dangers de la dépendance au jeu, en leur fournissant les adresses de centres de consultation. Au-delà de cinq tournois par an, l’établissement est assimilé à un cercle de poker, avec l’obligation, pour les organisateurs, de décrocher une licence de salon de jeu.
- Berne et Valais autorisent également les tournois dans les cafés et restaurants.
- Fribourg enfin, très libéral, n’exige pas de revoir les programmes de tournois une fois le premier feu vert délivré. Le canton tolère même l’ouverture de salons privés exclusivement voués au poker. Seule exigence pour l’organisateur: solliciter une patente équivalant à celle d’une buvette. Trois cercles viennent ainsi d’ouvrir leurs portes sur les bords de la Sarine, où accourent des joueurs de toute la Suisse romande.
Recours des casinos
Cette libéralisation fâche bien sûr la Fédération suisse des casinos (FSC) qui a perdu, avec le poker, une précieuse source de revenu. Elle a déposé en novembre 2009 un dernier recours au Tribunal fédéral.
Si la Haute Cour déclare que le poker est un jeu de hasard, il devra réintégrer les casinos. Et les tournois privés seront de nouveau interdits, donc punissables (lire TCF 5/2007). Dans le cas contraire, plusieurs cantons (Genève et Valais) prévoient de légiférer pour endiguer les risques de dépendance au jeu et de blanchiment d’argent. Les jeux sont loin d’être faits!
Seule règle immuable: les parties isolées restent interdites, même chez les particuliers. Et, s’il est permis de jouer au poker sur internet, l’organisation d’un tournoi en ligne est, et restera, strictement interdite.
Claire Houriet Rime