Les Suisses sont moins assidus pour payer leurs factures. Face à ce réel et coûteux problème, certaines sociétés en attente de paiements renoncent à gérer elles-mêmes d’interminables rappels de factures et autres mises en poursuite. A la place, elles font appel à des sociétés de recouvrement, qui connaissent toutes les ficelles pour faire plier les clients les plus récalcitrants.
Difficile en effet de rester impassible face aux arguments rodés de ces entreprises. Emmanuelle Girard, de Vouvry (VS), et son ami Olivier Dupuis viennent d’en faire l’expérience. Ce dernier, ayant laissé traîner quelques factures par le passé, s’est fait rattraper par Justitia Inkasso: «Votre attitude de paiement est surveillée. Si vous spéculiez sur une prescription de la dette ou si vous attendiez que de l’eau coule sous les ponts, nous allons vous décevoir», écrit la société pour revenir sur une facture de 126 fr. datant de 1998. Et la lettre de conclure avec un «Nous vous avons à l’œil!» illustré d’une longue-vue.
Un ton menaçant
Des phrases menaçantes de ce type, Justitia Inkasso et ses concurrents en manient des dizaines, comme nous le signalent régulièrement d’autres lecteurs. Leurs courriers passent allègrement d’une pseudo «injonction de payer» ou d’un «votre nom n’est pas actuellement votre meilleure carte de visite, il se retrouve dans une banque de données négatives», à des «cadeaux» de 40% sur la créance réclamée ou encore des possibilités de paiement en «mensualités confortables».
Qu’elles s’appellent Justitia Inkasso, Débitors, Infoscore ou encore Alphapay, les maisons de recouvrement savent ainsi faire craquer les plus mauvais payeurs. Encore plus fort, Justitia Inkasso utilise un message vocal automatique qui lance des appels le soir aux débiteurs (lire BàS 01/2006 *).
Dans ce contexte, le code éthique de l’Association des sociétés de recouvrement (VSI) prête à sourire, point n° 3: «Les membres s’abstiendront de toute intimidation à l’égard des débiteurs.»
Des erreurs qui font peur
Si la plupart des dettes ne sont pas contestées par nos lecteurs, c’est la méthode qui dérange surtout. Cependant, dans quelques cas, des erreurs inquiétantes nous ont été signalées. Un Vaudois a été injustement mis en poursuite par Alphapay, alors qu’il avait déjà été victime d’une telle erreur quelques mois plus tôt. Explications de la société: une personne sous tutelle, portant le même nom de famille, s’est servie de son identité pour signer des contrats, et Alphapay n’y a vu que du feu. En attendant, c’est notre lecteur qui s’est retrouvé fiché à tort comme mauvais payeur (lire l’encadré).
Une Lausannoise a, quant à elle, reçu un acte de défauts de bien alors que la dette avait été radiée par l’office des poursuites un an auparavant. Auteur du courrier, Infoscore Inkasso a immédiatement corrigé l’inscription erronée. Mais combien d’autres personnes sont ainsi répertoriées injustement?
Refusez les frais excessifs
Au passage, les maisons de recouvrement tentent généralement de réclamer des frais exorbitants, dépassant parfois le montant de la dette en question. Exemples: 70 fr. pour un montant initial de 20 fr., ou encore 3000 fr. pour une facture de 2000 fr. Notre service juridique conseille de ne payer que le montant dû avec les intérêts moratoires. Si la facture est injustifiée, demandez son annulation (lire l’encadré), et ne vous laissez pas intimider.
Yves-Alain Cornu
conseils pratiques
Pour savoir si vous êtes fiché
Si vous avez un doute quant à l’inscription de votre nom dans une base de données négatives, ne tardez pas à vous renseigner. En effet, une telle inscription, justifiée ou non, peut vous entraver dans de futures transactions (prise de leasing, demande de carte de crédit, etc.). Les sociétés de recouvrement vous fourniront, sur demande, les informations vous concernant. Le site du Préposé fédéral à la protection des données (1) fournit des lettres
types pour s’enquérir des renseignements et faire détruire les données injustement enregistrées.
(1) www.edoeb.admin.ch > Services > Protection des données > Argent et crédits.