Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch. Ces trois agences disposent d’environ 90% des parts du marché mondial de la notation des entreprises cotées en Bourse. Leur but est d’évaluer la solvabilité d’émetteurs d’emprunts (entreprises, banques et Etats) ainsi que celle de certains titres financiers eux-mêmes (les produits structurés par exemple).
Leur évaluation – une simple «opinion» selon elles – prend la forme d’une note (voir tableau), qui peut être assortie d’une «perspective» (positive, négative ou stable), qualifiant l’état futur de l’émetteur.
Pas infaillibles
Le problème est que ces évaluations ne sont de loin pas infaillibles. La crise américaine des subprime l’a montré: les agences avaient attribué aux produits structurés des notes ne reflétant pas leurs véritables risques.
Mais il y a d’autres exemples.
- Quatre jours avant la faillite d’Enron, en décembre 2001, les agences attribuaient encore à cette société une note satisfaisante: BBB- (neg.) pour S&P et Fitch, Baa3 (neg.) pour Moody’s. Avant de revoir, le même jour, leur évaluation à la baisse, la faisant enfin basculer dans la catégorie «spéculative»: B- pour S&P, B2 (neg.) pour Moody’s et CC pour Fitch.
- Même si les agences ont baissé l’appréciation de Swissair au fil de l’année 2001, ce n’est que le 2 octobre, soit le jour du grounding, que l’agence Moody’s a attribué la note Ca (émetteur très proche de la faillite) à la compagnie aérienne.
- Le 12 septembre 2008, soit trois jours avant la faillite de la Banque américaine Lehman Brothers, alors notée A, S&P pensait relever son évaluation!
Modèle économique contesté
Davantage que leur infaillibilité, c’est le fonctionnement même des agences qui pose problème, puisque, en général, les emprunteurs notés paient pour l’être. D’où le soupçon de partialité: «Plus une banque paie, meilleure est sa note, estime ainsi l’économiste suisse Walter Wittmann. Et, lorsqu’une agence attribue un mauvais rating, elle craint que son client ne s’adresse à la concurrence.»
Depuis le 16 septembre 2009, une nouvelle réglementation est en vigueur dans l’Union européenne: les autorités peuvent désormais vérifier si l’agence fait tout pour écarter les conflits d’intérêt. Mais ce règlement ne change pas le modèle économique: une entreprise paie pour être notée. La Suisse, elle, n’a pas prévu de renforcer sa réglementation.
Ces évaluations ne sont donc pas à prendre comme paroles d’évangile. Lorsqu’elles sont actives sur le marché obligataire, certaines banques préfèrent, par exemple, se référer à la cote des CDS (Credit Default Swap), des produits dérivés fonctionnant comme une assurance et indiquant en temps réel le risque d’insolvabilité d’un émetteur.
Les bonnes questions
Le particulier expérimenté, lui, tâchera de connaître au mieux le profil d’un émetteur avant d’acheter un titre, en se posant les questions suivantes:
- L’entreprise émettrice a-t-elle fait l’objet de mauvaises nouvelles au cours des semaines ou des mois précédents?
- Ses revenus sont-ils fluctuants?
- Quelles sont ses perspectives de croissance?
- Si elle est étrangère, la situation économico-politique du pays dans lequel elle évolue est-elle satisfaisante?
Pour tenter d’y répondre, il n’y a pas de miracle: il faut lire régulièrement la presse économique et consulter des sites spécialisés (par exemple le francophone boursorama.com ou les anglophones theinvestor.ch, bcaresearch.com, bloomberg.com, etc.).