Une procédure en changement de nom n’établit pas un lien de filiation sur le plan légal. Par conséquent, elle ne fait naître aucun droit à la succession en cas de décès. Notre lectrice, Emilie*, l’a découvert bien malgré elle.
Récemment Lucie* (C dans l’arbre généalogique ci-contre), sa grand-mère maternelle a été contactée par une administration cantonale dans le cadre d’une recherche d’héritiers. Très âgée et souffrant de troubles de la mémoire, elle demande à sa petite-fille (notre lectrice) de s’en occuper à sa place.
Lors d’un entretien téléphonique, la personne indique qu’elle recherche les héritiers de la grand-tante A de notre lectrice. Cette aïeule n’ayant laissé ni descendants ni parents (père et mère), la succession revient alors à son frère Jean* B , mari de Lucie et donc grand-père maternel d’Emilie. C’est ce qu’on appelle, le système de la deuxième parentèle. Ce dernier étant décédé, sa femme est exclue de la succession, laquelle revient donc à la mère de notre lectrice, appelons-la Josiane* D . Comme elle est elle-même décédée, c’est finalement Emilie E qui héritera des biens de sa grand-tante, puisqu’elle n’a ni frère ni sœur.
L’employée de l’administration cantonale demande donc à notre lectrice de lui faire parvenir son livret de famille ainsi que celui de ses grands-parents et de ses parents. Ce qu’elle fait.
Manque l’adoption
Quelques jours plus tard, elle reçoit toutefois un nouvel appel de l’administration communale, qui l’informe que Josiane (la mère de notre lectrice) ne figure pas sur le livret de famille de Jean. Légalement, Jean n’a donc jamais eu d’enfant et, logiquement, notre lectrice n’est pas non plus considérée comme sa petite-fille. Elle ne peut dès lors pas prétendre à la succession de sa grand-tante!
Comment est-ce possible? Tout simplement parce que Josiane, la mère de notre lectrice n’est pas la fille biologique de Jean. Née d’une relation antérieure, elle n’a pas été reconnue par son «vrai» père, et Jean a alors envisagé de l’adopter. Il n’est pourtant jamais allé au bout du processus et s’est contenté d’une procédure en changement de nom.
Or, quelles que soient l’intensité du lien affectif ou la manière dont les enfants ont été élevés, une procédure en changement de nom ne suffit pas à établir un lien de filiation. Juridiquement, elle n’équivaut pas à une adoption.
Selon la loi, le lien de filiation n’est en effet établi que dans trois cas seulement:
- si l’enfant naît pendant le mariage ou dans les 300 jours suivant sa dissolution;
- par un jugement (action en paternité par exemple);
- par reconnaissance (s’il y a un lien biologique avec le père).
Si Jean avait adopté Josiane, notre lectrice aurait hérité de sa grande-tante.
* Prénoms volontairement modifiés.
Idem pour l’enfant biologique non reconnu
Imaginons que Josiane ait été la fille biologique de Jean, mais que ce dernier ne l’ait pas reconnue. Que se serait-il passé? Rien non plus: un enfant né hors mariage doit avoir été reconnu pour hériter. A moins que Josiane ait intenté une action en paternité contre son père (ou contre ses héritiers s’il était décédé), Emilie n’aurait donc, là encore, pas pu hériter des biens de sa grand-tante.