Le 23 décembre 2002, Nadia (prénom fictif) reçoit de la Supra un commandement de payer portant sur un montant de 130,80 fr., qui correspondrait à une facture échue quatre mois plus tôt, due à titre de «participation aux coûts». Nadia, qui à l’époque a déjà largement dépassé sa franchise, fait tout naturellement opposition et demande à sa caisse maladie des explications au sujet de cette facture.
Pour toute réponse, la Supra lève définitivement l’opposition formée par son assurée par décision du 15 avril 2003, comme elle en a étonnamment le droit (lire l’encadré). Ne comprenant toujours pas le bien fondé de cette prétendue créance, Nadia G. décide de contester la décision de mainlevée par lettre motivée. La Supra se détermine peu après par la plume de son directeur adjoint et d’un membre du département des sinistres, en se bornant, pour l’essentiel,
à rappeler que la somme réclamée concerne une facture de participation aux coûts. Et quelques jours plus tard, Nadia se voit notifier, à sa grande surprise, un avis de saisie pour une somme de 182,85 fr. équivalant aux 130,80 fr. exigés par la Supra, auxquels s’ajoutent les frais de poursuites! En bref, cet avis signifie que l’organe chargé de la poursuite confisquera les biens de Nadia à hauteur du montant précité…
Pas un cas isolé
Nadia ne veut pas en rester là. Elle décide donc de s’adresser directement à l’Office des poursuites de Lausanne pour obtenir l’annulation de la procédure de saisie engagée. Or, ce dernier lui donne raison sur toute la ligne et annule la saisie pour vice de forme, au motif que la Supra n’a absolument pas tenu compte de l’opposition formée par Nadia!
Le cas relaté ci-dessus n’est pas isolé. L’Association suisse des assurés (ASSUAS) a en effet constaté que Supra a pris la fâcheuse habitude de ne pas notifier à ses assurés la décision levant formellement leur opposition et d’engager des poursuites par voie de saisie sans que ceux-ci aient été en mesure de faire valoir leurs droits. Cette façon d’agir est parfaitement illégale, car l’assureur a l’obligation de faire parvenir à l’assuré une décision écrite, lui indiquant en outre qu’il a la possibilité de recourir devant une instance judiciaire, en l’occurrence le Tribunal des assurances.
Dans le cas de Nadia, l’attitude de la Supra est d’autant plus choquante qu’elle a cherché a obtenir la saisie de ses biens en affirmant de façon mensongère aux autorités de poursuite qu’aucune opposition contre sa décision n’avait été déposée.
Un exemple à suivre
Si l’histoire de Nadia a trouvé une issue heureuse, il n’en reste pas moins que bon nombre d’assurés renoncent souvent à contester de tels procédés illégaux, par manque de temps, par lassitude ou par ignorance de leurs droits.
Pour sa part, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), autorité de surveillance en la matière, refuse de prendre ses responsabilités et de sanctionner de telles pratiques car, selon lui, les griefs formulés à l’encontre des caisses concerneraient non pas un problème d’assurance mais plutôt de poursuite. Comprenne qui pourra….
Gilles-Antoine Hofstetter
Assuas-Vaud
Précisions juridiques
Juge et partie en même temps…
Fait rarissime, une caisse maladie n’a pas besoin d’un juge pour lever l’opposition qu’un assuré ferait à l’un de ses commandements de payer: elle est autorisée à le faire elle-même, et se retrouve donc en même temps juge et partie! Elle doit en revanche rendre par écrit toute décision portant sur des prestations ou des créances avec lesquelles l’assuré n’est pas d’accord. Si elle se contente de faire part de sa position à l’assuré, celui-ci peut exiger qu’une décision formelle soit rendue. Cette décision doit être motivée et indiquer les voies de droit.
L’assuré peut alors attaquer cette décision par voie d’opposition dans les trente jours auprès de son assureur. Celui-ci sera tenu de rendre, dans un délai approprié, une seconde décision, appelée décision sur opposition, qui doit également être motivée et indiquer les voies de recours.
La décision sur opposition peut enfin faire l’objet d’un recours dans les trente jours au Tribunal des assurances. Tel peut aussi être le cas si l’assureur refuse de rendre une décision ou une décision sur opposition. Cette procédure, tout comme la procédure d’opposition, sont gratuites.