Jean-Marie Ballifard a acheté son camescope Sony chez Media Markt à Crissier le 20 juillet 2001. La veille de Noël, l’appareil tombe en panne: sous garantie, il est rapporté le surlendemain à Crissier. Réparé, il présente immédiatement les mêmes symptômes. Retour chez Media Markt… Cette fois, l’absence se prolonge, pour cause de pièces détachées manquantes. Ce n’est qu’à la mi-avril que Jean-Marie Ballifard, à bout de patience, récupère son camescope.
Self-garantie
Quant à Susanna Hörtig, c’est un portable Sony Vaio qu’elle a acheté l’an dernier à la grande surface de Crissier. Des problèmes de modem l’incitent à actionner la garantie. Mais c’est une «garantie sur site»: à la cliente de se débrouiller pour envoyer l’appareil au service de réparation de Sony. L’appareil part donc à Zurich, puis, semble-t-il, dans un centre de réparation de la marque en Belgique (en réalité en Alsace)… Mais la panne n’est pas couverte par la garantie, car due à une mauvaise manipulation de sa propriétaire. Laquelle devrait débourser plus de 600 fr. – dont 250 fr. de frais de transport par UPS et de main-d’œuvre – pour le récupérer.
Pour nos deux lecteurs, la source de leurs problèmes (kafkaïens!), c’est Media Markt: «A bas prix, service lacunaire!» Le raccourci fait bondir Reto Steffen, directeur de Media Markt Crissier SA: «Nous n’avons pas un service inefficace lance-t-il avec force. 9500 réparations sous garantie et 2 à 3000 hors garantie sont effectuées chaque année, dans un délai moyen de 15 jours. Dès ce délai, des rappels sont automatiquement envoyés aux services de réparations; après 4 semaines, j’interviens personnellement.»
Patience
Ce qu’il faut retenir, c’est que Media Markt, pas plus que les autres distributeurs, grandes surfaces ou petits spécialistes, n’a de service de réparation propre: tout est confié aux fabricants. En cas de retard, le vendeur ne peut pas grand chose – à part faire preuve de patience envers un client, qui, lui, n’en a souvent plus beaucoup en réserve (et on le comprend).
«Nous essayons de satisfaire nos clients dans la mesure du possible», affirme toutefois Reto Steffen. Pas souvent: le prêt est réservé aux appareils de première nécessité (téléphone, fax, TV, mobile), l’échange standard ne peut être décidé que par le fabricant. La dépendance envers ce dernier est donc très forte. Or, «nous avons beaucoup de problèmes de délai avec Sony», lâche Reto Steffen.
«It’s a Sony»
En Suisse, le service de réparation de Sony est assumé pour partie au siège de l’entreprise à Schlieren (ZH), pour partie par Felix Service SA à Nyon. A noter que les portables, eux, sont envoyés à l’étranger, en vertu du «très haut niveau de compétence requis», du moins selon Sony. Où se trouve donc le bug? Chez Sony à Zurich, Sabina Müller souligne que «70% des réparations sont effectuées dans les 6 jours ouvrables, pour autant que les pièces détachées soient disponibles. En cas de commande au stock central, 92% des 196 000 pièces de la marque sont livrées dans les 3-4 jours.»
Autre son de cloche, plus grinçant, chez Felix Service. Certes, Claude Patthey, le directeur, défend le soin apporté à la logistique des réparations: «Nous informons quotidiennement les vendeurs de l’état des réparations qui nous sont confiées. Un re-repair est systématiquement vérifié par un autre technicien, je suis toujours informé d’une troisième réparation et j’effectue souvent moi-même un test final de fonctionnement.»
Objectif: économiser
Mais le patron de la PME nyonnaise a le verbe acide quant à la stratégie développée par Sony depuis quelques années: «Comme Minolta avant elle, Sony ne confie plus ni schémas électroniques ni pièces détachées des appareils numériques aux réparateurs indépendants. Toutes les réparations de ce genre sont regroupées à Zurich, voire à l’étranger pour les portables. L’objectif est strictement économique: le niveau de compétence, nous l’avons! En réalité, on vend cher en Suisse, et on fait réparer bon marché à l’étranger… Tout ça crée des problèmes de logistique et des retards dont les consommateurs font les frais.»
Tout ça donne aussi l’impression morose que s’il y a bien des victimes, il n’y a ni négligence, ni malveillance. Juste des multinationales obsédées de rentabilité, aveuglées par les statistiques, auxquelles grands distributeurs et entreprises de réparation sont largement inféodés. Et des consommateurs censés faire preuve de compréhension envers les problèmes des uns et des autres, et dont le désarroi est un pourcentage négligeable en regard des «bons chiffres». Dans cette grisaille, une petite éclaircie: Reto Steffen a garanti à Susanna Hörtig qu’il prendrait en charge l’intégralité des frais de réparation de son Vaio.
Blaise Guignard