Je l’ai montrée à cinq personnes,
et aucune d’entre elles n’a trouvé l’inscription! – Jacques Droguet n’imaginait pas proposer un jour à ses amis, en guise de jeu de société, la recherche de la mise en garde sur l’étiquette d’un bocal d’olives dénoyautées... C’est aujourd’hui sa façon à lui d’illustrer l’injustice dont il se sent victime!
Le soir du 15 décembre 2002, Jacques Droguet est aux fourneaux, chez lui, et prépare sa légendaire recette de spaghettis aux olives qu’il partagera avec une amie. Mais au moment où ils savourent leur repas, il entend soudain un grand «croc» et ressent une violente douleur. Le responsable: un noyau d’olive, qu’il recrache, ainsi qu’un morceau de dent. «Cela fait dix ans que j’achète la même marque d’olives chez Migros.* Ce bocal-là est le premier dans lequel je trouve un noyau.»
Réparation coûteuse
Le lendemain, son dentiste ne peut que constater les dégâts et préconiser la pose d’une couronne. Le devis s’élève à plusieurs milliers de francs. La rente AI de M. Droguet va difficilement lui permettre d’assumer cette charge. Il écrit alors à Migros Vaud, raconte sa mésaventure, et s’enquiert d’une éventuelle participation du géant orange, le 17 décembre déjà.
Près de trois mois plus tard, toujours aucune nouvelle de Migros. En revanche, le 7 mars 2003, il reçoit un courrier de la CPT. Sa propre compagnie d’assurance lui signale dans une lettre avec pour référence «Accident dentaire du 15 décembre 2002» que, selon l’article 4 de la LPGA (Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales), la notion d’accident n’est pas remplie, car l’événement n’est pas extraordinaire. Cet article reconnaît en effet comme accident «toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire». Or, ajoute l’assurance, lorsqu’on mange «des olives dénoyautées mais dont l’étiquette indique que l’on doit s’attendre à la présence d’un noyau», il faut, précisément, s’attendre à un noyau d’olive.
Jurisprudence
La jurisprudence en la matière classe aussi les intrus que l’on peut trouver dans les aliments en deux catégories: facteurs extraordinaires ou non. Ainsi un éclat de coquille dans les moules marinières ou un morceau de cartilage dans un sandwich au jambon ne sont pas considérés comme des facteurs extraordinaires, alors qu’un noyau de cerise dans un gâteau aux fruits ou un débris d’os dans une saucisse, si!
Bon à Savoir s’est donc procuré le bocal incriminé (voir photo), et a dû chercher à la loupe – et ça n’est pas une image! – entre les valeurs nutritives, les ingrédients et les informations concernant le fabricant, la fameuse mention: «Ces olives dénoyautées mécaniquement peuvent occasionnellement contenir un noyau.»
«Ils savent donc qu’un danger existe, s’indigne Jacques Droguet, et ils le signalent volontairement de manière illisible! Ils sont encore plus coupables.» «Il n’est pas question pour nous de cacher l’information au consommateur, se défend Jacqueline Pisler, porte-parole de Migros Vaud. Nous n’avons aucune obligation légale d’indiquer quoi que ce soit sur les bocaux d’olives dénoyautées. Nous le faisons par souci de prévention.» Même s’il se montre touché par l’histoire de notre lecteur, le géant orange nie donc toute responsabilité dans sa mésaventure.
Avec raison sur le plan purement juridique, puisque l’ordonnance sur les denrées alimentaires ne stipule rien en matière d’étiquetage concernant la présence de noyaux dans les olives ou les cerises. L’usage veut simplement que si le producteur ne garantit pas l’innocuité totale de son produit, il doit y apposer une mise en garde. Cependant, Mme Pisler reconnaît que la mention est un peu petite: «Nous allons d’ailleurs rapidement entamer des démarches auprès de notre fournisseur pour en améliorer la lisibilité.»
Etiquette modifiée
Finalement, la mésaventure de M. Droguet et l’intervention de Bon à Savoir auront donc servi les consommateurs. Et également notre lecteur. Car enfin, suite à l’insistance de notre rédaction, Migros va participer aux frais de réparation dentaire à hauteur de 500 fr., mais à titre exceptionnel. Jacques Droguet est comblé par ce geste: «Lorsque j’avais écrit à Migros, à l’époque, je précisais que je souhaitais simplement une participation. Ce versement me fait très plaisir. Je remercie Migros et je suis encore plus satisfait d’apprendre que l’étiquetage sera modifié. Car au fond, c’est cela qui est important.»
Carole Pellouchoud
*Olives dénoyautées Sigolive, Premium Selection, 340 g, 2,20 fr.