Mieux vaut conserver les plaies humides
La sagesse populaire recommande de laisser sécher les petites blessures à l’air libre, mais Novartis a une autre idée sur la question. Et
le monde médical lui donne raison.
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Bon à Savoir 02-2001
21.02.2001
Dernière mise à jour:
31.01.2023
Blaise Guignard
En cas d’éraflure ou de coupure pas trop profonde, l’idéal est de rincer la plaie à l’eau froide, de la désinfecter et de la laisser sécher à l’air libre», pouvait-on lire dans les colonnes de Bon à Savoir au mois d’août dernier. Une marche à suivre à réviser… à en croire les emballages de Merfen Actiplast qui fleurissent un peu partout dans les pharmacies.
La promotion de ces nouveaux pansements développés par Novartis Consumer Health proclame en effet qu’il...
En cas d’éraflure ou de coupure pas trop profonde, l’idéal est de rincer la plaie à l’eau froide, de la désinfecter et de la laisser sécher à l’air libre», pouvait-on lire dans les colonnes de Bon à Savoir au mois d’août dernier. Une marche à suivre à réviser… à en croire les emballages de Merfen Actiplast qui fleurissent un peu partout dans les pharmacies.
La promotion de ces nouveaux pansements développés par Novartis Consumer Health proclame en effet qu’il est aujourd’hui «reconnu dans le monde médical que les plaies guérissent mieux en restant humides». Partant de ce constat autoritaire, la firme pharmaceutique propose, depuis septembre 2000, quatre types de pansements humides composés d’une membrane respirante, mais imperméable à l’eau et maintenant l’humidité de la plaie.
Alors, qui croire?
La sagesse populaire ou le «monde médical», relayé en l’espèce par un «monde pharmaceutique» qui y trouve naturellement son compte, commercialement parlant?
Ce dernier ne manque en tout cas pas d’arguments. «Les médecins savent depuis une dizaine d’années que la croûte qui se forme sur les plaies sèches est en réalité un amas de cellules mortes qui fait obstacle à une bonne cicatrisation, affirme Joachim Sperling, responsable des produits dermatologiques chez Novartis. La membrane des pansements Actiplast permet au contraire d’emprisonner le film humide qui se trouve en permanence sur la peau.»
Occlusion et humidité
Ce discours vulgarisateur a tout pour éveiller la méfiance du consommateur… Il n’en est pas moins effectivement corroboré par le monde médical. «La plupart des gens pensent que les plaies guérissent plus vite à l’air, explique un dermatologue lausannois; mais ces dernières années, les pansements qui maintiennent un milieu humide ont montré leur efficacité dans les processus de cicatrisation et de revitalisation de la peau. En l’occurrence, Novartis applique aux petites plaies le principe d’occlusion et d’humidité réservé jusqu’alors aux blessures importantes.»
Le dermatologue nuance cependant ses propos: «Toutes les plaies n’ont pas besoin d’être maintenues à l’humidité. Les plaies suturées, par exemple, nécessitent au contraire un pansement sec. Quant aux petites coupures, elles se ferment de toute façon sans problème. Il faut ajouter qu’un pansement, quel qu’il soit, n’est pas une panacée: la guérison dépend aussi de l’état général du patient, de sa circulation sanguine, etc.»
Bref, si le principe défendu par Novartis est exact, il serait exagéré de vider la pharmacie de ménage de sa batterie de pansements traditionnels. Avec un peu de pommade, ceux-ci font l’affaire pour la plupart des petits bobos. Mais Actiplast a pour ultime atout sa longévité. Le mode d’emploi recommande en effet de laisser le pansement en place entre 3 et 7 jours, ce que juge pertinent le dermatologue consulté: «On le met, et on peut l’oublier. La plupart du temps, le pansement appliqué se décolle à la première douche, et les gens oublient de le renouveler, ou y renoncent.» Bref, aussi dérangeant que cela puisse paraître… il arrive que la sagesse populaire soit mise en déroute par l’industrie pharmaceutique.
Blaise Guignard