Le nouveau droit du bail, entré en vigueur le premier juillet 1990, facilite la tâche des bailleurs qui souhaitent améliorer leurs immeubles. Jusqu’alors, seuls les travaux urgents pouvaient être envisagés en cours de bail. Le propriétaire peut désormais faire des travaux de modification ou de rénovation, à deux conditions: il faut qu’ils soient «raisonnablement imposables au locataire» et que le bail n’ait pas été résilié (art. 260 CO). Des conditions qui prêtent souvent à discussion.
• Cuisines et salles de bains: tout n’est pas nécessaire – Votre bailleur vous propose une cuisine neuve, alors que vous vous satisfaisiez d’un confort plus modeste? C’est le moment de se demander si ces rénovations sont utiles pour le locataire, l’un des critères pris en compte par les juges pour savoir s’ils peuvent lui être imposés. «Le locataire doit généralement tolérer les travaux de pur entretien, qui visent à maintenir l’immeuble en bon état, répond Nicole Tille, juriste à l’ASLOCA-Lausanne. Les travaux d’amélioration du confort de l’immeuble, en revanche, peuvent plus facilement prêter à discussion. Il faut bien les distinguer. Car souvent, le propriétaire profitera de travaux indispensables pour moderniser totalement une cuisine ou une salle de bains.»
Une décision du tribunal des baux du canton de Vaud du 26 juillet 1993 illustre cette différence. Le remplacement des colonnes de chute (c’est-à-dire les conduites d’évacuation des eaux usées), destiné à maintenir l’immeuble en état d’être habité, fait partie des travaux que les locataires d’un immeuble construit en 1949 ont dû tolérer. Cela fut aussi valable pour les travaux visant à adapter les installations de chauffage ou d’électricité aux nouvelles normes techniques, pour des réfections de toitures et façades, et enfin pour tous les rafraîchissements nécessités par l’ancienneté des baux, du moment que l’incidence des travaux sur les loyers restait limitée. En revanche, l’agencement total de cuisines, déjà partiellement agencées en 1976, n’a pas été reconnu comme nécessaire. De même, l’inversion complète du plan de la salle de bains ou la démolition d’appareils sanitaires en bon état ne pouvaient être raisonnablement imposés aux locataires.
• Pas de changements purement esthétiques – Le Tribunal cantonal vaudois a décidé que «le changement des appareils sanitaires et des agencements de cuisine qui ne sont destinés qu’à remédier à des inconvénients d’ordre esthétique ou à moderniser des installations», alors que les locataires se satisfont de l’état existant, ne saurait leur être imposé. Même décision pour une tuyauterie qui, de l’avis de la majorité, offrait une pression d’eau suffisante.
(Décision de la chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois du 11 septembre 1990)
• Fenêtres: rénover plutôt que remplacer – Lorsque certaines fenêtres seulement présentent des défauts, il peut suffire de les rénover plutôt que de toutes les remplacer.
(Décision du tribunal des baux vaudois du 26 juillet 1993)
• Attention au changement de standing – A Genève, la loi sur les démolitions, transformations et rénovations a permis de limiter les rénovations luxueuses. L’autorisation de rénovation du Département des travaux publics n’est délivrée que si les loyers, après travaux, correspondent aux «besoins prépondérants de la population», c’est-à-dire ne dépassent pas un coût moyen de quelque 3225 fr. par pièce et par an.
Les travaux d’entretien, en revanche, peuvent se faire sans autre: remplacement de sols, de poutres, voire réfection des parties d’un toit défectueuses, améliorations mineures (pose d’une cuisinière ou d’une machine à laver). «Mais attention, avertit l’ASLOCA. Si de multiples travaux d’entretien aboutissent à un changement de standing de l’immeuble, le bailleur devra tout de même solliciter l’autorisation d’y procéder. Pour savoir si c’est le cas, le coût global des travaux devra notamment être pris en compte.»
(Arrêt du Tribunal administratif genevois du 8 avril 1997)
• Agissez à temps! – Les locataires doivent exprimer clairement leur opposition dès qu’ils ont connaissance des travaux. Réagir après coup, c’est trop tard; le tribunal des baux vaudois a ainsi débouté des locataires qui n’avaient pas clairement manifesté leur désaccord avant le premier coup de pioche.
(Jugement du tribunal des baux du 12 novembre 1992)
Sylvie Fischer