En matière de télé, le mieux est l’ennemi du bien… C’est le constat désabusé qu’on peut tirer de la mésaventure d’Alain Pfauti, propriétaire d’un projecteur à cristaux liqui-des de marque Eiki, censé transformer n’importe quel salon en salle de cinéma. Une Rolls de l’audiovisuel, au prix d’une Twingo (14 000 fr. tout ronds) – mais fabriquée au Japon.
Dès les premières projections pourtant, l’œil de notre lecteur nyonnais se plisse: dans un coin de l’image, un petit point bleu immobile brille obstinément, quel que soit le programme projeté. «Comme une mouche sur la télé», résume Alain Pfauti. Lequel rapporte donc l’engin au magasin carougeois qui le lui a vendu, en lui signalant le défaut.
1 sur 2,5 millions
Lorsque le vendeur le rappelle, renseignements pris auprès de l’importateur (la maison Visopta AG), Alain Pfauti est stupéfait: le problème n’est pas couvert par la garantie! Il s’agit en effet d’un pixel défectueux. Or, le fabricant admet une certaine tolérance en la matière, compte tenu du fait que l’appareil en compte plus de 2 millions et demi.
«Pour 14 000 fr., suis-je idiot de trouver ça anormal, ou ont-ils de bonnes raisons?» s’interroge notre lecteur, perplexe. La réponse est nuancée (fini le noir et blanc!). Certes, il est normal de s’indigner qu’un appareil haut de gamme soit vendu avec un défaut visible – que ce défaut soit exclu de la garantie n’y change rien.
Il n’en est pas moins vrai qu’un certain nombre de pixels défectueux sont admis par les fabricants de projecteurs LCD. Responsable des produits chez Visopta, Robert Eigenmann précise d’emblée que les matrices à cristaux liquides utilisées sur les projecteurs Eiki, fabriquées par Epson ou Sony, sont de première qualité. Mais… «Il est techniquement impossible de produire des matrices LCD exemptes de tout défaut, voilà pourquoi les fabricants admettent une marge d’erreur», confie le spécialiste. La marge, en l’occurrence, est de 5 pixels inertes au maximum pour chacune des trois matrices rouge, verte et bleue – soit une tolérance de 0,00064%!
Une forêt de pixels
La tolérance dépend également de la couleur du pixel défectueux, de son emplacement (un pixel mort est moins gênant dans le bord qu’en plein centre), de sa nuance (pixel clair/foncé) et de son dysfonctionnement (total ou partiel): par exemple, le fabricant tolère 8 pixels bleus partiellement défectueux, mais seulement 2 pixels clairs de la matrice rouge, 5 pixels foncés de la matrice verte, etc. «Dans les cas extrêmes, ajoute Robert Eigenmann, lorsqu’un défaut reste dans la marge de tolérance, mais est très gênant, nous faisons une capture d’écran que nous soumettons au constructeur.»
Le principe est confirmé par d’autres fabricants de projecteurs. Avec des points récurrents: plus il y a de pixels (entre 1 million et 2,5 millions), plus la tolérance aux défauts est élevée; une résolution élevée (c’est le cas de l’appareil d’Alain Pfauti) rend le défaut moins visible.
La conclusion probable est donc qu’Alain Pfauti n’a plus qu’à s’habituer, ou plutôt à désaccoutumer son œil irrésistiblement attiré par le petit défaut d’image, petit arbre bleuté réussissant à cacher une forêt de 2,5 millions de ses semblables. Quant à Bon à Savoir, un de ces jours, il dressera la liste des défauts «exclus de garantie». Elle promet d’être longue.
Blaise Guignard
calling card
Le forcing de Swisscom
Plutôt cavalier, le courrier reçu début novembre par des clients de Swisscom titulaires de la Calling Card – une carte de cré-dit téléphonique utilisable dans le monde entier: «Vous êtes depuis longtemps titulaire d’une Calling Card. Or, nous nous sommes aperçus, en mettant à jour nos fichiers, qu’elle n’a pas été utilisée depuis plus de 6 mois. (…) Nous espérons (…) vous avoir donné envie de l’utiliser à nouveau. Si ce n’est pas le cas (…) dans trois mois (…), nous nous permettrons alors d’effacer vos coordonnées de notre base de données (…).» Traduction: utilisez-la, ou on vous la bloque!
Le hic: plusieurs abonnés titulaires d’une Calling Card ont reçu cette pro-
se à tort. La carte, ils l’avaient bien utilisée dans les 6 derniers mois. Certains l’ont dit à Swisscom. Des lettres d’excuses ont suivi, l’une émanant du Service clientèle («il est apparu que ce courrier vous a hélas été adressé par erreur»…), l’autre du Product Management Calling Card («En raison d’un problème dans le système de gestion du courrier, certains de nos clients ont reçu la lettre par erreur, ce qui a provoqué leur mécontentement.»)
«De mauvais critères de sélection des clients, auxquels envoyer cette lettre, ont été introduits, ce qui fait que certains n’auraient pas dû la recevoir», admet Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom. Qui ne voit pas en revanche ce qui peut heurter dans sa prose comminatoire: «Nous devons faire du chiffre, ce qui passe aussi par rappeler aux clients la valeur de nos produits.» Et de leur rappeler qu’un bon client est un client qui dépense. Les autres n’intéressent pas Swisscom, et l’opérateur ne s’en cache pas.
Blaise Guignard