Roland Rey-Mermier est furieux: «Avec les nouvelles escroqueries légales mises en place par les pharmaciens, je crains de bientôt balancer un pavé dans une vitrine d’apothicaire!» La raison de cette colère? Le nouveau système de rémunération des pharmaciens, entré en vigueur le 1er juillet dernier. «Au mois de mai, rapporte notre lecteur genevois, je présente une ordonnance au pharmacien: il se tourne en direction d’un tiroir et dépose devant moi un emballage de 30 comprimés qu’il me facture 50,25 fr. En juillet, je présente la même ordonnance et reçoit de la même manière le même emballage, mais la facture se monte à 60,30 fr.!»
Histoire de moyenne
Ce scénario, de nombreux autres lecteurs l’ont vécu et nous l’ont fait savoir, souvent fâchés, toujours désemparés. «Pourtant, rappelle l’un d’eux, j’avais lu à plusieurs reprises que cette nouvelle façon de faire n’augmenterait pas le prix des médicaments...» C’est juste… en moyenne, car les médicaments dont le prix était anciennement inférieur à une cinquantaine de francs ont augmenté, alors que les autres ont diminué. Mais reprenons.
Jusqu’au 1er juillet 2001, les pharmaciens étaient rémunérés grâce à un pourcentage dégressif (de 37,5% à 19%) pour les médicaments jusqu’à 500 fr., ou par un forfait de 95 fr. pour les produits plus chers. C’était simple, mais n’encourageait ni à limiter la vente ni à proposer des médicaments bon marché (des génériques par ex.). Le nouveau système est donc plus «incitatif» et devrait freiner la hausse des coûts de la santé.
Selon la classe
En fait, contrairement à ce que beaucoup de consommateurs croient, rien n’a changé pour les médicaments de classe C (en vente libre) et D (vente en droguerie), souvent les meilleur marché: pour eux, l’ancien système, et donc l’ancien prix, sont toujours de rigueur.
Pour les médicaments de classe A et B (prescription médicale obligatoire) en revanche, tout se complique, car seul le prix de fabrique n’a pas changé (voir schéma ci-dessous). Pharmaciens et grossistes rémunèrent désormais leur travail de distributeur par une taxe fixe et indépendante de la valeur du produit, combinée à une marge variable. Le prix de fabrique et la part relative à la distribution constituent donc le prix du médicament, fixé dans la liste des spécialités (LS) par la Confédération.
Nouvelles taxes
Mais à cela vient s’ajouter – et c’est là la grande nouveauté du système – deux taxes réservées à l’apothicaire et qui ne figurent pas sur l’étiquette:
• La taxe pharmacien rémunère le contrôle technique de l’ordonnance et l’information du client sur le produit. Il s’agit d’un forfait moyen de 4,20 fr. par ligne, c’est-à-dire par sorte de médicament (et non par emballage) prescrit.
• La taxe de patient rémunère la constitution et la mise à jour d’un dossier, pour vérifier qu’il n’y ait pas de mauvaises associations avec un médicament prescrit au préalable par un autre médecin, mais aussi pour le remboursement ultérieur par la caisse maladie. Ce service vaut 7,35 fr. par client et par trimestre, mais aussi par médecin prescripteur, ce qui est plus étonnant (lire l’éditorial en page 2).
C’est ainsi que, par exemple, un lecteur a récemment payé son Spersanicol 21,15 fr., alors que le prix LS était de 9,60 fr.! «Mais à l’inverse, explique Marcel Mesnil, secrétaire général de la Société suisse des pharmaciens (SSPH), le Sandimmun, que les greffés prennent leur vie durant pour éviter un rejet, a diminué de 90 fr.» Le prix moyen des médicaments est donc resté stable, mais a augmenté pour les «petits» consommateurs et diminué pour les personnes gravement malades.
Christian Chevrolet