Dans la lettre qu’il a récemment adressée à Postfinance, Daniel Saugy (Le Brassus, VD) exprime sa colère: «Vous nous apprenez que les petits clients seront désormais pénalisés par rapport à ceux dont le patrimoine dépasse 7500 fr. lorsqu’ils effectuent leurs transactions sur Yellownet. Si ces 24 fr. sont supportables pour mon budget, je n’accepte pas l’idée qu’une entreprise de service public pratique une politique de prix à deux vitesses. En conséquence de quoi,
je vous informe que je solde mes trois comptes postaux pour travailler avec ma banque locale qui, elle, traite sur pied d’égalité tous ses clients.»
En subdivisant, depuis le 1er juin dernier, son offre pour la clientèle privée en plusieurs paquets financiers, Postfinance en a fâché plus d’un! Il est loin le temps où les clients du géant jaune étaient les seuls à couvrir leurs frais bancaires grâce à leurs intérêts. C’était pourtant le cas lors de notre première comparaison, en janvier 1998. A cette même époque, l’offre variait entre un bonus de 15,65 fr. (La Poste, justement) et des frais de 85,70 fr. (BCV). Pour un même scénario et sans passer par l’internet, elle se situe aujourd’hui entre + 36,85 fr. (BCF) et + 232,45 fr. (UBS). Mais ces frais diminuent pour les bons clients…
Un «bon» client, c’est, depuis le 1er juin, une personne ayant placé plus de 7500 fr. en moyenne mensuelle à Postfinance. Une pratique déjà en cours (avec des limites qui divergent d’un établissement à l’autre), chez UBS, Credit Suisse ou BCV. Mais ce peut être aussi plus modestement un actionnaire (au moins une action à 285 fr.) de la BCVs ou un sociétaire (200 fr.) à la Raiffeisen. Bref, ce n’est pas un client «nu», qui ne dispose que d’un simple compte courant avec juste ce qu’il faut pour ne pas se laisser prendre à découvert.
Tel est pourtant toujours le cas de Monsieur X, qui nous sert de modèle depuis que nous comparons régulièrement les frais bancaires en fonction d’un scénario (dernier en date: décembre 2002). Monsieur X a 36 ans, un salaire mensuel de 5000 fr. et un avoir moyen (moyenne annuelle de la somme disponible sur son compte) de 2500 fr.
Scénario
Son employeur lui verse son dû sur un compte salaire, gratifié d’un petit intérêt (A: voir tableau). Il a demandé une carte EC (B) avec laquelle il fait ses paiements deux fois par semaine dans divers commerces suisses (C), retire régulièrement de l’argent au bancomat de sa banque, mais une fois par mois aussi dans un bancomat de la concurrence (D). Dans l’année, il s’est également rendu cinq fois au guichet de sa banque: deux fois pour faire des retraits en liquide (E), deux fois pour faire un versement de 500 € de banque à banque en France (F), une fois pour changer l’équivalent de 800 francs suisses en euros (G).
Toutes les fins de mois, Monsieur X fait ses paiements mensuels par courrier (H). Chaque mois aussi, il paie son loyer (1200 fr.) via un ordre permanent (I) et son assurance maladie par un recouvrement direct (LSV) (J).
Comme il est très méticuleux, il exige un avis détaillé pour chaque paiement mensuel par courrier (K), plus un extrait de compte mensuel (L). Certaines de ces opérations sont incluses dans le forfait de gestion (M), mais pas toutes. Fin juin 2004, il décide de quitter sa banque (N) et de transférer son argent dans un nouvel établissement (O).
Du simple au sextuple
Nous avons demandé à douze banques et à Postfinance de calculer les frais que toutes ces opérations auraient coûté entre juillet 2003 et fin juin 2004 (P). Nous en avons ensuite déduit la somme des maigres intérêts versés à Monsieur X (Q) et ainsi obtenu un total représentant ce qu’il paiera en fin d’exercice (R).
Ce montant varie du simple au sextuple selon que Monsieur X a un compte à la Banque Cantonale de Fribourg ou à l’UBS. Les appréciations ont été données en fonction du montant des frais, selon qu’il est dans la moyenne (+ ou – 15%), au-dessus ou au-dessous. Bien sûr, si Monsieur X avait été un «bon» client, ce tableau serait considérablement modifié. Les banques le savent et jouent là-dessus: vous comparez ce qui n’est pas comparable, nous disent, d’année en année, celles qui ont opté pour le système «plus vous avez, moins vous payez». Mais c’est précisément parce que ce même système pourrait s’appeler «moins vous avez, plus vous payez» que nous avons toujours conservé le modeste exemple de Monsieur X.
e-banking
Les services de e-banking sont évidemment plus avantageux, puisque Monsieur X gère lui-même son compte via l’internet et renonce donc aux justificatifs sur un support en papier. Pour des raisons de place, nous ne publions que le total (S).
Les rabais par rapport à une gestion normale varient entre 18 et 75%. Et même si la BCF truste à nouveau la première place (devant la BCN), la BCV joue à fond la carte du web en arrivant en troisième position, tout comme la Banque Coop (5e). Credit Suisse et UBS restent en revanche très largement en queue de peloton.
Christian Chevrolet
