«Protégez-vous des conséquences des imprévus fâcheux. Garantissez votre train de vie actuel...» Le taux de chômage présentement (4,4%) et le sentiment d’insécurité financière qu’il engendre chez la plupart d’entre nous profitent à certaines sociétés émettrices de cartes de crédit qui ont trouvé là l’occasion rêvée de vendre des assurances censées soulager financièrement en cas de chômage ou d’incapacité de travail, à la suite d’un accident ou d’une maladie.
Ainsi, la société Viseca – émettrice de cartes de crédit pour la Raiffeisen, la Banque Migros ainsi que les banques cantonales – propose une assurance solde de dettes qui, passé un délai de carence de deux mois, couvre les dépenses faites avec la carte de crédit, mais qui sont restées impayées, jusqu’à concurrence de 24 000 fr. pendant 24 mois au plus.
Attention toutefois: le versement mensuel alloué pendant la période de chômage ou d’incapacité ne représente que 5% de la dette initiale et 1000 fr. au plus par mois. Et, sur le solde impayé, Viseca continue évidemment de prélever un intérêt moratoire mensuel de 1,17%, soit au total 14% par année! De plus, pour pouvoir bénéficier d’une telle prestation, il faut encore débourser chaque mois 0,49% du montant de la facture impayée.
Exemple chiffré
Exemple: la personne se retrouvant au chômage avait un solde de 3000 fr. à payer.
- Durant les deux mois de carence, il ne touche rien, mais paie 3000 x 1,17% = 35.10 x 2 = 70.20 fr. d’intérêts moratoires.
- A la fin du troisième mois, l’assurance va verser 3000 x 5% = 150 fr. Le chômeur va donc payer à la fin du 4e mois un intérêt moratoire diminué à 33.35 fr.
- Et ainsi de suite jusqu’à l’extinction de la dette à la fin du 22e mois, où le total des intérêts moratoires se montera à 438.75 fr.
- Mais notre chômeur doit encore payer le prix de cette assurance, soit 0,49% du solde impayé. Les «primes» se monteront ainsi à 183.75 fr.
- Il aura donc payé, au total, 622.50 fr. pour régler sa dette de 3000 fr.!
Swisscard et Cornèr Bank proposent également ce type d’assurance à des conditions plus ou moins similaires: même prime, même délai de carence. Le montant assuré est en revanche limité à 10 000 fr., et Cornèr Bank ne verse des prestations que durant 10 mois au plus contre 24 mois chez Swisscard. Quant aux intérêts moratoires prélevés par les deux sociétés, ils oscillent, en fonction du type de carte, entre 0,825% et 1,25%.
Détournement de la loi
Selon Mario Roncoroni, du Service d’assainissement des dettes du canton de Berne, «c’est une combine pour contourner le taux d’intérêt légal maximal de 15% pouvant être perçu par les organismes de crédit». Car en effet: 1,17% d’intérêts moratoires + 0,49% pour les «primes» = 1,66% x 12 mois = 19,92% d’intérêt total!
Outre l’assurance solde de dettes, la société Viseca propose encore une assurance protection de paiement permettant au chômeur et à celui qui se retrouve dans l’incapacité de travailler par suite de maladie ou d’accident de voir ses futures dépenses par carte de crédit couvertes à hauteur d’un montant variant entre 250 fr. et 1000 fr. par mois.
Effective pour une durée maximale de 12 mois, cette prestation est facturée 1,98% du montant assuré. Ainsi, pour un montant d’achat assuré de 1000 fr., le client paiera 237.60 fr. par an.
Voilà pourquoi Stefan Turnherr, directeur chez VZ VermögensZentrum, déconseille ce type d’assurance et préconise plutôt la conclusion d’une assurance perte de gain, qui a l’avantage de fournir un revenu mensuel versé sous forme de rente.
De son côté, Viseca défend son produit en indiquant qu’il répond à une demande de la clientèle. En outre, la société indique que l’assurance solde de dettes respecte les exigences légales en matière de taux d’intérêt.
UBS, GE Money Bank et PostFinance ne proposent cependant pas ce type d’offre: «Nous ne sommes pas convaincus de l’avantage de telles assurances pour la clientèle», résume-t-on à PostFinance.
Thomas Lattmann/CG