La campagne pour l’initiative sur les successions bat son plein et le moins que l’on puisse dire, c’est que les milieux économiques mettent le paquet pour la laminer, avec des comparaisons et des calculs souvent douteux. Pourtant, hormis les traditionnelles prédictions laissant entendre que, en cas d’acceptation, les grosses fortunes quitteront le pays, les choses sont claires: l’immense majorité des futurs héritiers ont intérêt à accepter cette modification fiscale.
L’initiative propose, en effet, de remplacer l’imposition actuelle des successions, perçue par les cantons, parfois les communes, par un système fédéral pour l’ensemble du pays. L’idée est de faire une ponction unique de 20% dès que la masse successorale dépasse 2 millions de francs, mais rien au-dessous, quel que soit le degré de parenté (ou non) de l’héritier. Les entreprises bénéficieraient d’un régime spécial, soit une imposition de 5% après déduction de 50 millions. Un tiers de l’impôt reviendrait aux cantons, qui n’y perdraient donc rien sur le plan financier, tandis que les deux autres serviraient à financer l’AVS.
Conjoint et enfants
Données de base: selon des données relativement récentes, la masse successorale moyenne (la totalité de l’héritage) est de 456 000 fr. et la part héréditaire (ce que touche chaque héritier) de 178 700 fr.*
> Pour les conjoints, rien ne change: l’initiative prévoit l’exonération, comme c’est le cas partout aujourd’hui.
> C’est pour les enfants de parents relativement fortunés que cela risque de changer, puisqu’il ne paieront toujours rien si la masse successorale est inférieure à 2 millions, mais 20% dès le franc suivant. Exemple pour trois enfants qui se partageraient, à part égale, un héritage global de 3 millions: ils devront, chacun, 66 666 fr. au fisc (soit 6,6%) et ne toucheront donc «que» 933 33 fr. Signalons toutefois qu’avec le régime actuel, Vaud et Neuchâtel, qui taxent toujours la descendance directe, va leur demander 28 500 fr. et 67 580 fr.
En revanche, pour les enfants issus d’un premier mariage (famille recomposée, soit 10% des ménages aujourd’hui) ou les couples qui vivent hors mariage (dont sont issus 20,2% des naissances), il n’y a pas photo, comme le montre notre tableau comparatif pour les sept canton romands.
Héritage de 300 000 fr.
Prenons le cas d’un héritage de 300 000 fr., issu d’une masse successorale inférieure à 2 millions, soit le double de la moyenne suisse actuelle.
> Un enfants issu d’un premier mariage qui toucherait cette somme du parent rapporté ne débourse, actuellement, rien à Berne, mais entre 21 000 fr. (Jura) et 75 000 fr. (Valais) ailleurs. Avec l’initiative, il ne paierait rien.
> Mais le situation est pire encore pour le conjoint non marié, qui cède aujourd’hui jusqu’à 150 000 fr. (la moitié) à Lausanne et même 159 096 fr. à Genève. Avec l’initiative, il ne paierait rien.
Héritage de 2 millions
Imaginons maintenant une gros héritage 2 millions de francs sur une masse successorale de 3 millions.
> Un enfants issu d’un premier mariage qui toucherait cette somme du parent rapporté paie aujourd’hui (sauf à Berne) entre 140 000 fr. (Jura) et 500 000 fr. (Valais). Avec l’initiative, il paierait 133 333 fr.
> Le conjoint non marié cède aujourd’hui entre 280 000 fr. (Jura) et 1 087 296 fr. (Genève). Avec l’initiative, il paierait aussi 133 333 fr.
Ce sont des chiffres qu’on ne lit jamais dans la campagne actuelle et qui sont pourtant irréfutables!
* Fonds national, «Erben in der Schweiz», H. Stutz, T. Bauer, S. Schmugge, Zurich, 2007 (en allemand seulement).