Quand la crousille devient de plus en plus bedonnante, de nombreux parents ouvrent un compte pour leur enfant. Le pécule y portera un intérêt coquet (jusqu’à 2,25% – voir tableau 1) et, surtout, il y sera en sécurité. Tellement en sécurité, d’ailleurs, que le zèle de certains banquiers le mettra non seulement à l’abri des voleurs, mais aussi des parents du jeune client, voire de ce dernier lui-même jusqu’à ses 18 ans!
Il y a une dizaine d’années, Sylvia Fileri a ainsi ouvert deux comptes épargne au nom de chacun de ses enfants auprès de la Banque Coop, à Fribourg: «Nous y versions leur argent, et, de temps en temps, j’allais en retirer pour eux quand ils souhaitaient s’acheter quelque chose de raisonnable. Cela n’a jamais posé de problème.»
Lors de son dernier passage au guichet, notre lectrice s’est toutefois heurtée à un refus: «On m’a expliqué que, depuis janvier 2010, la loi avait changé et que j’avais dorénavant besoin d’une autorisation du juge de paix pour accéder aux comptes de mes enfants. J’ai appelé le juge, qui m’a dit n’avoir rien à voir dans cette histoire. Puis, je suis retournée vers le banquier, un peu énervée, car, s’il ne me permettait plus de retirer de l’argent, mes enfants n’y étaient pas autorisés non plus avant leur 18e anniversaire. Comme ils sont actuellement âgés de 10 et 16 ans, leur épargne était donc bloquée.»
Heureusement, à force d’insister, cette lectrice a pu transférer l’argent sur des comptes plus accessibles et tout aussi bien rémunérés.
Un code appliqué à la lettre
En réalité, la loi n’a pas changé. «C’est toujours les articles 318 et suivants du Code civil qui font référence», confirme Christian Guex, adjoint de l’ombudsman des banques.
Récemment, des tribunaux les ont toutefois interprétés de manière très stricte, afin de protéger les mineurs, obligeant parfois la banque à rembourser l’argent qu’elle avait autorisé à un parent de retirer.
Certaines banques ont donc également durci leur application de la loi. La direction suisse de la Banque Coop nous a, en effet, dit avoir adapté sa pratique au début de l’année 2009 «dans le but d’appliquer de façon uniforme les marges de manœuvre laissées par la loi et de mettre en œuvre avec rigueur les dispositions légales relatives à la protection des biens de l’enfant.»
Or, que dit le Code civil? En résumé, que les parents administrent les biens de l’enfant jusqu’à sa majorité (art. 318). On pourrait, par conséquent, supposer qu’ils gèrent aussi ses dépenses, et donc qu’ils puissent, à l’aide d’une procuration, retirer de l’argent du compte de l’enfant pour le lui donner ensuite.
Problème pour le banquier: comment savoir si l’argent sera bel et bien remis à l’enfant? Car il existe, hélas, des parents qui pillent les comptes de leur progéniture ou d’autres qui y puisent l’argent faisant momentanément défaut au ménage.
Recours à l’autorité tutélaire
Aussi, certaines banques préfèrent invoquer les articles 319 et 320, selon lesquels seuls les intérêts du compte du mineur pourraient être retirés par les parents pour subvenir à son entretien, son éducation ou sa formation et qu’il n’est possible de toucher au reste du capital qu’avec le feu vert de l’autorité tutélaire. Mais il s’agit-là d’une interprétation très stricte du code, sans doute exagérée dans la plupart des situations familiales.
«Nous n’intervenons que pour des sommes plutôt importantes, explique Laurent Margot, président de l’Autorité tutélaire de Môtiers (NE). Et il suffit alors de nous adresser une lettre, précisant le montant et l’usage auquel il est destiné, en joignant d’éventuelles pièces justificatives. Mais, il est important de distinguer le droit civil, selon lequel les parents gèrent les biens de l’enfant et les conditions générales émises par les banques, qui peuvent tout à fait bloquer ou restreindre l’accès au compte de l’enfant.»
Les raisons du refus essuyé par notre lectrice restent néanmoins confuses. Car, lorsque nous avons demandé à la direction de la Banque Coop, si oui ou non un parent muni d’une procuration pouvait retirer, par exemple, 200 fr. du compte épargne de son enfant, ou si le jeune pouvait le faire lui-même avant ses 18 ans, elle nous a répondu par l’affirmative, dans les deux cas, si le jeune est capable de discernement, soit en règle générale à partir de 14 ans environ. Or, la fille de Sylvia Fileri a 16 ans: en principe, le retrait aurait donc dû être possible…
Choix du compte
Quoi qu’il en soit, les comptes épargne sont, en général, peu appropriés lorsqu’on souhaite faire régulièrement des retraits, car ils sont souvent assez verrouillés. Il est donc essentiel de bien vérifier, lors de l’ouverture du compte, que l’enfant pourra accéder à son argent avant ses 18 ans.
La gamme de produits bancaires destinés aux jeunes est d’ailleurs très vaste et plus ou moins flexible concernant les modalités de retraits. Certains comptes, même s’ils portent le nom «épargne», sont en réalité de vrais petits comptes de gestion, et donnent parfois droit à une carte Maestro (lire TCF 2/2009).
Le tableau 1 (voir ci-contre) liste tous les comptes proposés aux jeunes par la banque affichant le taux d’intérêt le plus élevé.
Quant aux parents, s’ils veulent pouvoir faire des retraits, malgré un éventuel futur durcissement des conditions générales de la banque, ils doivent ouvrir un compte à leur propre nom, mais offrant un taux d’intérêt plus bas. A moins de choisir un compte «cadeau»: ces produits sont souvent établis au nom du parent et bénéficient aussi de taux concurrentiels (voir tableau 2).
Joy Demeulemeester
BONUSWEB: Taux d'intérêt de tous les comptes jeunesse et liens vers les sites web
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.