Confortablement installé dans son boîtier, le disque compact (CD) n’en sort habituellement que pour entrer dans un lecteur. Mais l’habitude a aussi ses exceptions: «En tant que collectionneur et pour gagner de la place, je conserve plusieurs centaines de CD dans des pochettes en plastique de différentes marques», explique Daniel Leu.
Or, comme d’autres adeptes de ce moyen de rangement, ce lecteur de Bon à Savoir a remarqué que ces pochettes avaient tendance à détériorer les CD.
L’année dernière, Migros a d’ailleurs retiré tous ses modèles, en informant par voie de presse que «le contact direct de l’enveloppe ultra mince CD-Flex avec le CD, sous certaines conditions de chaleur, de rangement de longue durée ou serré, pouvait provoquer la formation d’un dépôt parasite sur la face gravée du CD, ce qui pouvait entraver sa lecture».
Le commerce proposait un remboursement du montant des pochettes et une indemnisation pour les disques endommagés.
D’autres dommages
Daniel Leu confirme avoir été remboursé de la contre-valeur de 960 pochettes et indemnisé pour la perte d’un certain nombre de disques. Mais suite à des contrôles périodiques faits sur des CD rangés dans des pochettes achetées ailleurs, il a eu la désagréable surprise de constater que le problème surgissait à nouveau. «Serait-ce à dire que le système n’est pas recommandable, que le plastique de ces pochettes attaque celui utilisé pour la fabrication des CD?» nous a-t-il alors demandé.
La question est pertinente. Car Coop, par exemple, vend toujours le produit.
Et «même plusieurs articles de ce type, jusque-là sans plaintes», confirme le porte-parole Jürg Birnstiel. De même que City Disc, maison à laquelle Daniel Leu a acheté des pochettes qui ont également endommagé certains de ses disques. Il lui a donc écrit pour demander un remboursement du matériel et des disques endommagés, mais n’a jamais reçu de réponse.
Question n fondamentale
Il pourrait bien attendre encore... Nous avons en effet contacté le service des ventes de la maison mère de City Disc, à Allschwil, où l’on estime que les doléances de M. Leu ne sont pas sérieuses. Et l’on nous apprend qu’on ne perdra pas de temps à lui répondre. Mais lorsque la journaliste demande le nom de son interlocuteur, il refuse de le lui donner en disant qu’il ne le fera qu’après avoir reçu ses questions par écrit!
A la Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) de Lausanne, on a aussi rangé 15 000 CD audio dans des pochettes en plastique. «Mais avec des pochettes en papier intermédiaires», précise à la phonothèque Colette Jotterand. Aucune remarque ne lui a été adressée quant à un possible endommagement dû à ce système de rangement.
La question fondamentale reste donc en suspens: ce genre de pochettes est-il tout simplement fatal aux CD? «Les disques sont en polycarbonate, répond Frédéric Meré, responsable de la logistique de production à Multi Media Masters and Machinery SA. Et l’emballage plastique le plus souvent en polystyrène. Or, un grain de sable ou de poussière sur le polystyrène peut griffer le polycarbonate. Mais ces griffures, suivant leur profondeur ou leur sens, n’altèrent pas forcément le contenu musical.»
Le spécialiste n’en estime pas moins que «la pochette en plastique ou en carton est du “cheap price” (réd: du bon marché) à réserver pour une utilisation unique du disque, par exemple pour un produit publicitaire».
Contrôle n indispensable
Henning Kausch, ancien directeur du laboratoire de polymère à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne confirme le problème de base: «Lorsque deux polymères (réd.: substan-ces macromoléculaires) différents sont en contact, il
se peut que l’un d’eux contienne un adjuvant (comme un plastifiant par exemple) qui endommage l’autre. Les phénomènes de griffures sont donc logiques, mécaniques. Il faudrait ainsi s’assurer que le plastique de la pochette choisie ne transmette pas de traces d’adjuvant nuisible au polycarbonate.»
Certes, mais cela n’est guère aisé. Alors que faire si l’on n’a vraiment pas la place nécessaire pour stocker les jaquettes rigides classiques? Attendre peut-être... Une enveloppe en plastique est en effet à l’étude au Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherches (LFEM/EMPA) à Dübendorf. C’est Migros qui lui a confié ce mandat. «Nous voulons remettre sur le marché un produit absolument sûr, explique sa porte-parole Maja Amrein. Et prouver qu’il est faux de dire que tout plastique est dommageable pour le CD.» Rendez-vous est pris pour le début de l’an 2000.
Gabrielle Desarzens