Depuis le 1er janvier 2000, la procédure de divorce ne tient plus compte d’une éventuelle «faute» de l’un des époux. En s’adaptant à l’évolution de la société, le nouveau droit a simplifié la tâche des juges et des avocats. Mais il a aussi posé quelques problèmes d’application, qui trouvent peu à peu des solutions. Voici un aperçu des nouvelles pratiques, concocté avec l’aide de Me Catherine Jaccottet Tissot, l’une des auteures du Nouveau droit du divorce*.
> Requête unilatérale:
Lorsqu’un seul conjoint requiert le divorce, celui-ci sera prononcé après deux ans de séparation. Les Chambres fédérales viennent de ramener ce délai de quatre à deux ans, afin de limiter certains abus: la période d’attente est source de multiples pressions, voire de chantage pour obtenir des avantages financiers.
Le Tribunal fédéral (TF), de son côté, a précisé quels sont les «motifs sérieux» permettant de passer outre au délai d’attente (art. 115 du Code civil). Refusant de réintroduire la notion de faute, il se montre très restrictif sur ces motifs. Il s’agit, bien sûr, des infractions pénales d’un conjoint envers l’autre ou envers les enfants, telles que la violence physique et les abus sexuels, mais aussi des pressions psychologiques rendant la continuation du mariage insupportable, même après la séparation (ATF 5C18/2002).
On ne demandera pas non plus à un conjoint d’attendre deux ans lorsqu’il s’est fait flouer par un partenaire cherchant à conclure un mariage blanc.
> Audition des enfants:
Le nouveau droit prévoit l’audition des enfants par le juge du divorce, à moins que «leur âge ou d’autres motifs importants» ne s’y opposent. Les spécialistes sont partagés sur l’âge minimum à partir duquel on peut convoquer un enfant: les uns parlent de 7 ans, d’autres de 10 ou même 12 ans, lorsque les enfants sont à même de réaliser les enjeux du divorce. La pratique des tribunaux reflète cette diversité d’opinions.
Sans trancher la question de l’âge, le TF a précisé que lorsqu’un enfant a déjà été entendu par des spécialistes (psychologues, etc.), il n’est pas nécessaire de lui imposer un entretien avec le juge (ATF 5P.322/2003).
Quoi qu’il en soit, des conditions strictes sont posées pour le déroulement des auditions: elles ont lieu dans un endroit accueillant et sont menées par des magistrats formés à cet exercice, qui évitent notamment de mettre les enfants dans un conflit de loyauté. Ceux-ci peuvent par ailleurs refuser de s’exprimer.
Mais il serait faux de croire que l’avis de l’enfant ne pèse guère dans la balance. Le désir de vivre avec l’un des parents doit être pris en considération «s’il apparaît, compte tenu de l’âge et du développement de l’enfant, qu’il s’agit d’une ferme résolution de sa part et que ce souhait est le reflet d’une relation affective étroite avec le parent en question» (ATF 5P.103/2004).
> Autorité parentale:
Introduite il y a quatre ans, l’autorité parentale conjointe est volontiers accordée par les juges, du moins lorsque les époux présentent une requête commune de divorce et s’entendent sur les prérogatives de l’un et de l’autre. Les demandes de garde alternée sont en revanche souvent refusées. Le TF a notamment estimé que la garde alternée ne pouvait être accordée lorsqu’un des parents s’y oppose (ATF 5P.103/004). Et même en cas d’accord entre les ex-conjoints, les juges sont rarement convaincus que cette solution profite à l’enfant, qui devra passer d’un logement à l’autre. En fait, la garde est généralement accordée à la mère, souvent plus disponible et déjà organisée pour concilier famille et travail.
Suzanne Pasquier
*Editions Pépinet, 1999.
Lire aussi l’article sur le partage du 2e pilier après le divorce, dans Tout Compte fait No 9 (sept. 2004).