Souvenez-vous, nous avons rapporté l’affaire opposant notre lectrice, Marylène Tintori, à la banque Migros, dans notre édition d’octobre 1999. Son fils, Marc-Henri Kocher, contracte, en janvier 1990, un crédit privé de 25 000 fr., à rembourser en 48 mensualités. Deux ans plus tard, il est atteint d’une maladie engendrant des atteintes neurologiques graves. Il le sait, mais le garde pour lui et refuse de baisser les bras. Il continue donc de régler ses traites, honnêtement, régulièrement. Pourtant, en novembre 1992, son état se détériore et il doit cesser de travailler. Depuis cette date, ses paiements deviennent irréguliers. Il doit même, à plusieurs reprises, emprunter de l’argent à sa mère, sans lui préciser pourquoi. Mais ce n’est qu’un sursis: en juin 1993, il ne peut vraiment plus gérer ses affaires et Marylène Tintori prend le relais.
Ce faisant, elle découvre un rappel de la banque Migros et apprend du même coup que son fils avait contracté un petit crédit. Elle prend immédiatement contact avec la banque pour lui demander de suspendre les primes, mais se voit répondre que tel ne pourra être le cas qu’en réglant deux arriérés. Elle le fait et la banque suspend effectivement le paiement des primes. Son fils est décédé en octobre 1993.
Une fois la douleur surmontée, Mme Tintori range les affaires de son fils et découvre le dossier du petit crédit. Entre autres, le dépliant publicitaire de l’époque, qui disait noir sur blanc: «Lors d’événements imprévisibles (accident, maladie, infirmité), la banque Migros assure les mensualités et vous libère même du solde en cas de décès.» Alors pourquoi a-t-elle dû payer les traites de son fils en retard, et pourquoi Marc-Henri a-t-il dû régler les mensualités depuis le début de sa maladie, en novembre 1992?
Clause absurde
Parce qu’il n’a pas respecté les petites lettres du contrat, stipulant que la suspension des primes n’est accordée que si la maladie a été annoncée
40 jours après le début de l’incapacité de travail et qu’il n’y a pas d’arriérés (art. 6 du règlement). C’est bien sûr absurde, car comment une personne tombée dans le coma, ou atteinte d’une maladie l’empêchant complètement d’agir, pourrait-elle avertir sa banque dans les délais? Mais c’est aussi injuste, car si une personne est accidentée juste avant d’avoir effectué ses paiements, elle sera prétéritée par rapport à celle qui vient de les faire et n’aura pas immédiatement des arriérés...
C’est tellement vrai que la plupart des autres institutions bancaires appliquent l’article 45 de la LCA (Loi sur le contrat d’assurance), prévoyant que si les circonstances d’une faute ne sont pas imputables à un assuré, il n’encourra aucune sanction. Mais voilà: la banque Migros estime que la clause permettant une libération des primes n’a rien à voir avec une assurance. Et cela malgré le fait qu’elle emploie à plusieurs reprises le verbe «assurer» pour vanter ce service dans sa publicité!
Marylène Tintori a cependant demandé le remboursement de l’argent qu’elle a directement versé en juillet 1993, mais aussi celui des primes payées à tort par son fils, partiellement grâce à son aide financière, soit environ 7000 fr. Par l’intermédiaire de son avocate, elle a tenté, entre autres, de faire valoir que l’art. 6 du règlement de la banque Migros déroge à une disposition impérative (donc incontournable) de la LCA – et qu’elle viole la loi sur la concurrence déloyale en induisant en erreur celui qui souscrit un tel prêt..
Dernier recours
Le Tribunal civil du district de Lausanne ne l’a pas suivie. Pas plus que les juges cantonaux, même s’ils étaient partagés (deux contre un). Ecœurée, Marylène Tintori, avait alors décidé de jeter l’éponge. Mais redynamisée par le soutien des lecteurs de Bon à Savoir (lire l’encadré) et la volonté de son avocate, elle a décidé de porter l’affaire devant le Tribunal fédéral, estimant que la décision du Tribunal cantonal vaudois était arbitraire. Elle avance, entre autres, que les juges ne se sont pas exprimés sur le fait que la publicité déclinait plusieurs fois le verbe assurer, ni sur la contradiction d’un règlement imposant un délai sans se préoccuper de savoir si on peut le tenir.
Le combat n’est donc pas terminé. Le jugement n’est pas attendu avant quelques mois.
Christian Chevrolet
solidarité
Appel à tous les consommateurs
Nous soutenons le combat de Mme Tintori parce qu’il est juste et exemplaire. Si le Tribunal fédéral accepte son recours, ce sera une victoire pour les consommateurs. Que notre lectrice obtienne finalement raison, et plus aucune banque ne pourra imposer un règlement avec une clause aussi absurde! Nous avons donc décidé de prendre en charge une partie des frais de justice.
En octobre dernier, vous avez été nombreux à parti-
ciper au lancement de notre Fonds d’action juridique, créé pour soutenir Mme Tintori. A ce jour, nous avons reçu plus de 1700 fr.: merci à toutes et à tous!
En allant devant le Tribunal fédéral, nous prenons un nouveau pari qui n’est malheureusement pas gratuit. Si nous le gagnons, tout l’argent récolté dans le cadre de ce fonds servira à soutenir d’autres causes. Si nous le perdons, il paiera les frais de justice de Mme Tintori.
Vous pouvez, vous aussi, soutenir ce combat en versant une participation, aussi minime fut-elle, sur un compte spécialement ouvert à cet effet (voir coordonnées ci-contre). Merci d’avance de votre solidarité!