L’insolence de leurs résultats, à nos dégustations, en a surpris plus d’un. Le Château Fonroque s’est imposé parmi les douze Saint-Emilion Grand Cru (BàS 12/2016), le Comte Genève a dominé les douze assemblages blancs suisses (2/2017), alors que la syrah d’Yvan Parmelin s’est classée deuxième des treize syrahs suisses (11/2016). Leur point commun? Ils arborent tous les trois le logo bio.
Bio n’est pas piquette
Ecolosceptiques et tradionalistes n’y verront qu’une banale coïncidence. Et railleront la récente étude portant sur 74 000 vins californiens dégustés à l’aveugle entre 1998 et 2009 par les trois célèbres revues Wine Spectator, Wine Advocate et Wine Enthusiast. Sa conclusion? Les vins bio et biodynamiques ont obtenu une note moyenne supérieure de 4,1 points – sur une échelle graduée de 50 à 100 points – aux vins traditionnels.
Cette étude a le mérite de dépecer des préjugés féroces. A l’instar des résultats obtenus dans nos dernières dégustations, elle montre que bio ne rime pas avec piquette. Mais gare à tout sophisme: elle ne dit pas non plus que le bio est supérieur. Elle rappelle simplement qu’il est, lui aussi, capable de produire d’excellents nectars et qu’il séduit des caves de renom (lire encadré).
Le cuivre qui fâche
Le bio et la biodynamie garantissent avant tout l’absence de produits phytosanitaires chimiques de synthèse. Herbicides, pesticides, engrais synthétiques et consorts sont ainsi bannis. Les vignerons ne désherbent pas entre les rangs de vigne et ont recours à une fertilisation organique. «Cette approche profite non seulement à la biodiversité, mais elle a également un impact très positif sur le sol», glisse Markus Rienth, professeur de viticulture à la Haute Ecole de viticulture et œnologie de Changins.
Ce n’est pas pour autant que bio et biodynamie s’affranchissent de toutes les substances problématiques. Le cuivre reste un fongicide incontournable pour lutter contre le mildiou. Or, sa toxicité pour la faune et le sol n’est plus à démontrer. Le label Demeter (biodynamie) est certes plus strict avec un plafond à 3 kg par hectare (ha) contre 4 kg/ha. Mais, en dehors des années difficiles, c’est une limite qui reste large, estime le spécialiste.
Le soufre n’est pas non plus interdit dans le bio. Son action antiseptique est essentielle pour tuer les bactéries et les levures qui accélèrent l’oxydation ou les fermentations indésirables. S’il n’y pas d’effets graves sur la santé, il n’est pas toujours toléré (allergies, maux de tête, etc.). Les seuils admis dans le bio sont plus bas de 10% à 30% selon les vins*. «Mais là aussi, c’est rare que ces limites soient atteintes», relève Markus Rienth.
Le label ne dit pas tout
En définitive, les vins bio témoignent d’une approche sensiblement plus respectueuse de l’environnement, même s’ils ne sont pas irréprochables. D’aucuns leur reprochent un cahier des charges trop laxiste qui peut profiter à des démarches avant tout mercantiles. D’où l’importance de ne pas se fier aveuglément au label – ou à son absence – et de prendre la peine de s’intéresser à la philosophie du viticulteur. Mais quoi qu’il en soit, le bannissement des produits chimiques de synthèse est déjà un grand pas.
Et la biodynamie dans tout ça? En bref, elle ajoute au bio une dimension ésotérique avec une recherche d’équilibre plus poussée (cycle astronomique, décoctions maison, etc.). Elle oblige le vigneron à être plus proche encore de ses vignes pour mieux les comprendre. Mais, d’un point de vue purement scientifique, les bénéfices ne sont pas quantifiables: «Si des études ont démontré de réelles différences entre le bio et la viticulture conventionnelle, ce n’est pas le cas entre le bio et la biodynamie», concède Markus Rienth.
Yves-Noël Grin
Eclairage: des grands noms en bio
Il y a trente ans, les vignerons qui faisaient le choix de la culture biologique passaient pour des illuminés. De prestigieux domaines qui s’y sont convertis ont permis d’en changer l’image. A tout seigneur, tout honneur, on citera le bourguignon Romanée-Conti ainsi que de très grands châteaux bordelais comme Palmer (Margaux), Latour (Pauillac), Pontet-Canet (Pauillac) et La Lagune (Haut-Médoc) ou la puissante maison Chapoutier dans la vallée du Rhône. En Suisse aussi, de nombreuses caves de renom ont franchi le pas. Sans être exhaustif: Didier Joris (Chamoson), Domaine Cornulus (Savièse) et l’incontournable Marie-Thérèse Chappaz (Fully) en Valais. Le Domaine des Faverges (Saint-Saphorin), Raymond Paccot (Féchy) et Henri Cruchon (Echichens) dans le canton de Vaud. Mais encore: Christian Vessaz (Môtier), Willy Crétigny (Satigny) ou Jean-Denis Perrochet (Auvernier).