Haro sur l’alu, danger réel pour la santé»: le court article de Bon à Savoir (9/99) inquiète les consommateurs. «Notre santé est-elle en danger?» nous demande une lectrice d’Ayent.
Nous avons tenté de lever l’ambiguïté… et découvert une controverse apparemment irréductible.
D’un côté, la position des scientifiques est claire: aucune étude ne permet aujourd’hui de conclure que l’aluminium est responsable du développement de maladies. Cependant, cette absence d’«évidence scientifique» ne permet pas de disculper catégoriquement l’aluminium. Elle fait simplement pencher la balance vers l’innocuité. Mais «la méthode scientifique peine à prouver l’absence d’un lien causal», observe le professeur Jacques Diezi, directeur de l’Institut de toxicologie et de pharmacologie de l’Université de Lausanne.
Le discours de certains homéopathes, en revanche, est radicalement différent. «La toxicité des métaux est largement sous-estimée, stigmatise la doctoresse Nathalie Calame Genaine, généraliste et homéopathe à Colombier. L’aluminium est dangereux, mais les symptômes d’intoxication sont insidieux et difficilement décelables.»
Entre raison scientifique et expérience homéopathique, il est impossible de dégager une position médiane. La rigueur (peut-être excessive) de l’une se heurte à la conviction (parfois irrationnelle) de l’autre. En s’en tenant aux faits, voici toutefois ce qu’on peut dire de la toxicité de ce métal.
• L’aluminium est-il toxique? «A doses suffisantes, c’est un métal très toxique», répond, à l’Institut de pharmacologie de Lausanne, le professeur Jean-Daniel Horisberger. Mais contrairement à d’autres métaux (par exemple le cadmium), l’aluminium ingéré par l’homme ne s’accumule pas dans les tissus de l’organisme: il est éliminé par les reins.
A moins d’une insuffisance rénale, le corps ne se retrouve donc jamais saturé d’aluminium comme l’ont été les rats de l’expérience mentionnée dans l’article «Haro sur l’alu».
• Y a-t-il eu des cas d’intoxication à l’aluminium? Les seuls cas connus sont ceux de personnes souffrant d’insuffisance rénale, que leur traitement (dialyse) soumettait en outre à une exposition massive d’aluminium. Depuis, la formule des solutions de dialyse ne contient plus que de très faibles quantités de métal.
• L’aluminium provoque-t-il la maladie d’Alzheimer? La quantité anormale d’aluminium présente dans les lésions du cerveau typiques de cette maladie indique une corrélation. Mais on pense qu’il s’agit d’un effet, et non d’une cause de la maladie. Le fait qu’aucun des dialysés intoxiqués à l’aluminium n’ait développé d’Alzheimer est d’ailleurs un indice de taille.
• Y a-t-il de l’aluminium
dans l’eau du robinet? «Il peut y en avoir si les canalisations sont en aluminium, répond Pierre Beaud, adjoint au chimiste cantonal vaudois. Mais la quantité maximale est fixée à 0,2 mg/kg d’eau potable, et les analyses faites montrent qu’on est très loin de cette valeur de tolérance.»
• Dois-je supprimer l’alu
de mon alimentation? Les teneurs naturelles en aluminium sont extrêmement faibles, à quelques exceptions près: basilic (308 mg/100g), thym (75 mg/100g), origan (60 mg/100g). A moins de
se nourrir exclusivement de ces plantes, il n’y a donc pas lieu de modifier son régime, ni de se passer de pain complet ou d’épinards.
• Faut-il prendre d’autres précautions? Deux attitudes sont possibles: adhérer sans réserve à l’opinion des scientifiques ou à celle des homéopathes… ou rester vigilant tout en gardant la tête froide. Par exemple en se passant de l’aluminium lorsqu’il ne s’impose pas. Pour les médicaments, les antacides peuvent aisément être remplacés (voir encadré). Pour le reste, c’est au consommateur, selon ses convictions, de décider s’il veut se passer de papier d’alu, remplacer sa cafetière italienne par un modèle à piston, jeter sa vieille marmite à pression (les modèles récents sont en inox), etc.
Blaise Guignard
mÊme dans les médicaments
Antacides: les alternatives
La plupart des remèdes contre les acidités gastriques (antacides) contiennent de l’aluminium sous forme de sel soluble, dont une partie est absorbée par l’organisme. Au nombre des plus courants, disponibles sans ordonnance:
• Alcacyl
• Alucol
• Contre-Douleurs
• Gaviscon
• Drofaron
• Gelusil et Gelusil-Lac
• Phosphalugel
• Gastropulgite
• Maaloxan
• Refluxin
• Tri-Om
On peut leur substituer des médicaments à base de sels de magnésium et de calcium (p. ex. Rennie), ou encore se faire prescrire des antisécrétoires gastriques ou des protecteurs de la muqueuse gastrique (ex. : Dulcogan).