Dans les supermarchés, la disparition de la saisie manuelle aux caisses n’a guère ému les consommateurs. En revanche, la suite logique de cette révolution, le transfert des étiquettes de prix du produit au rayon, les a faits bondir. Et 18 mois après sa généralisation par Coop, l’affichage du prix sur le linéaire continue à susciter la grogne de la clientèle.
Tracas divers
Il est vrai que l’affichage sur les linéaires est source d’innombrables tracas. Liste non-exhaustive:
• Impossible d’estimer le montant de ses achats en cours de shopping.
• Impossible de remarquer si le prix affiché correspond ou non au prix indiqué par le code-barre lu au passage à la caisse. Or, il arrive que le produit soit en promotion sur l’affichage du linéaire, mais que le système informatique ait déjà intégré un nouveau prix.
• Lorsque deux séries de produits identiques à prix différents se côtoient sur le même rayon, impossible pour le consommateur de choisir l’article le moins cher.
• Lorsqu’un produit figure en deux endroits, par exemple dans le linéaire et dans un bac «spécial promotions», il est fréquent que le prix ne figure pas dans ce dernier.
• A la maison, impossible de vérifier l’exactitude du ticket de caisse.
Les associations de défense des consommateurs n’entendent donc pas laisser la pratique se généraliser. L’an dernier, la Fédération romande des consommateurs (FRC) a d’abord tenté de faire fléchir la direction de Coop, avant de s’adresser directement au Bureau fédéral de la consommation. Sans effet perceptible.
Le 13 septembre, la FRC ainsi que trois organisations de consommateurs de Suisse alémanique et du Tessin ont lancé une pétition intitulée «Indication du prix? Sur chaque produit!», adressée au Département fédéral de l’économie*.
De fait, l’affichage au rayon – également en vigueur chez d’autres distributeurs – contrevient à la loi: l’Ordonnance sur l’indication des prix (OIP) pose comme principe général l’affichage sur le produit-même (voir encadré).
Le hic, c’est que l’OIP prévoit des dérogations au principe, notamment, «pour des raisons d’ordre technique». Faille dans laquelle le grand distributeur s’est évidemment engouffré: «Impossible de revenir à un affichage sur les produits, affirme Jörg Birnstiel, porte-parole de Coop. En Europe, nous étions l’un des derniers clients de notre réseau de fournisseurs à leur demander d’indiquer le prix sur les emballages de produits.»
L’argument laisse de glace Marianne Meyer, secrétaire générale de la FRC: «C’est le problème de Coop, pas celui des consommateurs! L’OIP a pour but de protéger ceux-ci en favorisant la transparence des prix, et il est regrettable que le commerce de détail la détourne de cet objectif pour améliorer sa logistique.»
Irritation
En fait, la pétition des organisations consuméristes irrite profondément Coop. «On ne peut exiger du commerce suisse de détail qu’il prenne des mesures pour simplifier sa logistique d’un côté, et de l’autre lui demander de faire marche arrière au premier pas fait dans ce sens! La pétition va dans une direction totalement erronée», tranche Joerg Birnstiel. «Pourquoi restreindre le champ d’application de l’Ordonnance dans le domaine alimentaire alors qu’on songe à l’étendre ailleurs, par exemple aux prestations des dentistes?» rétorque Marianne Meyer.
Au Bureau fédéral de la consommation, Monique Pichonnaz a le sentiment que la pétition vise surtout à accélérer un processus déjà engagé: «Dès octobre 2001, un groupe de travail du Seco
(réd. Secrétariat d’Etat à l’économie) a pris contact avec Coop et commencé à travailler sur une solution tenant compte des contingences des distributeurs et des intérêts des consommateurs.»
La responsable du BFC ne peut toutefois être plus précise quant à la nature de cette «solution», même s’il s’agit probablement d’une révision de l’OIP intégrant dispositions sur l’affichage des prix sur les produits et mesures de transparence des tarifs des dentistes.
Manque de sérieux
Pour Marianne Meyer, pas de quoi se montrer optimiste: «Avec une seule réunion des représentants du Seco et de Coop, sans la présence des consommateurs, je ne crois pas que le dossier ait été pris en charge avec le sérieux nécessaire. Aux commerçants de détail de montrer qu’ils jouent le jeu de la transparence des prix.»
Blaise Guignard
*A télécharger sur le site www.frc.ch
ce que dit la loi
L’exception plus fréquente que la règle
Formulée en termes vagues, l’exception prévue au 2e alinéa de l’Ordonnance sur l’indication des prix (OIP) affaiblit le principe posé
au premier.
Article 7
1. Les prix de détail et les prix unitaires doivent être indiqués par affichage sur la marchandise elle-même ou à proximité (...).
2. Lorsque l’affichage sur la marchandise elle-même ne convient pas en raison du grand nombre de produits à prix identique ou pour des raisons d’ordre technique, les prix peuvent être indiqués sous une autre forme, à condition que les indications soient faciles à consulter et aisément lisibles (...)