Etienne, 15 ans, a reçu un téléphone portable avec une carte à prépaiement au début des vacances scolaires: «Comme je travaillais sur des chantiers en juillet, je voulais surtout être atteignable. Il fallait organiser le trajet du retour à la maison avec mon père. Et puis beaucoup de mes copains ont un portable. On se fixe des rendez-vous!»
Etienne se montre très raisonnable: il compte utiliser les 80 fr. de sa carte à prépaiement en 5 mois environ, soit 16 fr. par mois, et se promet de ne pas le sortir en classe. Car son école fribourgeoise, comme partout ailleurs, interdit formellement l’usage des mobiles pendant les heures de cours.
«Pas question»
Daniel, 50 ans, est père d’une fille de 16 ans: «Elle me réclame un mobile depuis plus d’un an, car, dit-elle, tous ses copains en ont. Mais il n’en est pas question: les communications sont trop chères. On atteindrait facilement 25 à 30 fr. par mois, qui viendraient s’ajouter aux 50 fr. d’argent de poche. Alors ma fille me pique mon portable pour envoyer des messages SMS à ses copains le soir.»
La publicité commence à véhiculer l’image de détenteurs de portable aux figures enfantines, les supermarchés vendent des cartables avec poche spéciale pour l’objet tant convoité, mais les plus jeunes clients de Swisscom, Diax ou Orange ont en fait rarement moins de 14 ans. Leurs parents préfèrent généralement leur offrir des cartes à prépaiement plutôt qu’un abonnement. C’est une manière de mettre à leur disposition un montant fixe, à utiliser sur une certaine durée, et de se mettre à
l’abri de factures mensuelles exorbitantes.
Avec la carte à prépaiement, la minute de conversation est cependant très chère, entre 89 et 99 ct.! Une
carte donnant droit à 50 fr. de communication permet donc de faire 55 téléphones d’une minute. Un résultat bien vite atteint… C’est pourquoi les jeunes se montrent souvent brefs: le temps de fixer un rendez-vous, de transmettre une information. Pour les messages plus intimes, ils préfèrent les SMS, les messages écrits revenant 20 à 30 ct. pour
130 caractères.
Les plus malins – ou les plus fauchés – s’arrangent pour recevoir des appels plutôt que d’en faire: cela ne coûte rien, et même, cela peut rapporter… (voir encadré).
Argent de poche
Il faut bien reconnaître que ces dizaines de francs tombant dans l’escarcelle des enfants équivaut à de l’argent de poche supplémentaire. Or, les spécialistes de l’économie familiale recommandent d’octroyer environ 50 fr. par mois à un jeune de 15 ans. Ils estiment que gérer une telle somme est déjà
tout un apprentissage. Alors quand s’y ajoutent encore 20 ou 30 fr. de communications téléphoniques...
Mais bien des parents se décident à offrir le mobile à leurs enfants pour des raisons quasi familiales: lorsque tous les deux travaillent à l’extérieur, c’est une manière de garder le contact avec les enfants, de se tenir au courant de l’heure d’arrivée des uns et des autres à la maison. Et parfois de posséder un instrument de surveillance...
Dans les pays nordiques, où le mobile a fait son apparition bien plus tôt qu’en Suisse, il existe des modèles pour très jeunes enfants, avec quelques touches pré-programmées (numéros du bureau et des parents, grands-parents, voisins). La Suisse n’en est pas (encore) là.
Suzanne Pasquier
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Attrape-gosses
Les magasins Swisscom proposent un mobile et une trottinette pour 98 fr., à condition de conclure un abonnement d’un an (25 fr. par mois). De l’aveu d’une vendeuse, l’offre n’a pas tellement de succès, car le portable n’est pas un modèle dernier cri. Mais aussi, parce que la jeune clientèle n’est pas vraiment composée d’abonnés (voir ci-contre).
Les opérateurs et revendeurs attiraient jusqu’à présent les nouveaux clients en mul-
tipliant les offres gratuites de mobiles liées à un abonnement. Mais certains commencent à choyer également les adeptes des cartes à prépaiement, et donc les jeunes. Sunrise propose la Pre-pay d’Orange avec un mobile très prisé des adolescents, le tout pour 199 fr. D’autres revendeurs l’imitent. A chaque fois, les appareils sont équipés d’un SIM-lock, un système qui empêche de changer d’opérateur pendant un an.
Revendeurs libres
La carte à prépaiement de Diax, la Pronto, a aussi fait partie d’un «kit» à 70 fr. seulement, appareil inclus, qui s’est vendu au début de l’été jusqu’à épuisement du stock. La porte-parole de l’opérateur, Monica Walser, n’en a pas eu connaissance: «Les revendeurs sont entièrement libres d’organiser leurs propres promotions.» Cependant Diax a trouvé sa recette maison pour pousser à l’achat de sa carte Pronto. Les détenteurs reçoivent 5 centimes par minute d’appel entrant, mais cette manne s’arrête après la quinzième minute de conversation. Ce crédit permet d’obtenir des réductions sur les appels ou les messages SMS.