Le pédiatre de votre enfant prescrit systématiquement des antibiotiques pour une otite. Celui de votre petit voisin administre, pour le même mal, de simples anti-douleurs. Où est l’erreur? Certains praticiens appliquent le traitement encore conseillé il y a quelques années, tandis que d’autres adoptent la nouvelle attitude prônée par les milieux universitaires.
Les recherches en pédiatrie menées depuis plus de quinze ans aboutissent en effet à un constat sans équivoque*: environ 90% des otites moyennes aiguës (les plus fréquentes chez l’enfant, voir encadré ci-dessous) guérissent spontanément au bout de quelques jours, sans recours aux antibiotiques.
Cette découverte a entraîné un revirement complet de la pratique de nombreux spécialistes, notamment à l’Hôpital de l’Enfance à Lausanne. Jean-Jacques Cheseaux, médecin chef de cet établissement, explique: «Considérant que l’otite moyenne aiguë a été pendant longtemps la première cause de prescription d’antibiotiques aux enfants, les dernières recherches ont des conséquences importantes pour nous. Elles nous permettent de limiter l’usage de ces médicaments, qui sont néfastes sur deux plans: pour l’individu, ils sont accompagnés d’effets secondaires non négligeables (surtout sur la digestion) et pour la société, ils engendrent une modification du système écologique microbien et par conséquent une résistance des germes à ces mêmes antibiotiques.»
Deuxième contrôle
Concrètement, les praticiens procèdent ainsi: une fois le diagnostic de l’otite posé, ils prescrivent des antidouleurs et fixent un deuxième contrôle dans les 48 heures. A ce moment-là, la situation a évolué favorablement dans 90% des cas! Le jeune patient continue donc de prendre des antidouleurs si nécessaire. Dans les cas où l’otite s’est aggravée, le médecin prescrit des antibiotiques.
Ce suivi à 48 heures est essentiel puisqu’il permet d’éviter les rares – mais graves! – complications de l’otite: méningites, abcès cérébraux. Attention, donc, à ne pas jeter à la poubelle le billet du deuxième rendez-vous!
Cette systématique connaît cependant des exceptions, lorsque les petits patients sont considérés comme «à risques». Ainsi, les enfants qui souffrent d’otites
à répétition (voir encadré), d’un tympan perforé ou d’un déficit immunitaire échappent rarement aux antibiotiques. Pour les moins de deux ans, les attitudes varient. Pour certains spécialistes, ils appartiennent au groupe à risques, tandis que d’autres se «contentent» de conseiller, pour ces tout-petits, un contrôle encore plus rapproché: dans les 24 au lieu des 48 heures.
Suzanne Pasquier
*Recherches présentées dans la revue Paediatrica, no 4/2000
otites à répétition
Au moins quatre à six fois par an
L’otite moyenne aiguë, la plus fréquente chez les enfants, est une infection à l’intérieur de la caisse du tympan. Elle se distingue de l’otite chronique sécrétoire, qui ne nécessite jamais d’antibiotiques.
Les enfants en âge préscolaire sont particulièrement sujets aux otites, en raison d’une immunité encore insuffisante et d’un mauvais drainage par la trompe d’Eustache. Ce canal reliant la caisse du tympan à la gorge est en effet de petit calibre et souvent obstrué par les végétations.
On parle d’otites à répétition lorsqu’elles surviennent plus de quatre à six fois par an. Il n’est pas toujours possible de trouver une cause à ce phénomène. Parfois il est la conséquence d’allergies respiratoires ou alimentaires, d’une tendance aux reflux gastro-œsophagiens (le fait de régurgiter souvent) ou d’un déficit immunitaire.
On sait aussi que le tabagisme passif favorise la maladie, de même que l’usage de la lolette et la fréquentation des crèches (où circulent de nombreux virus...).
Un tout petit enfant parvient rarement à exprimer qu’il a mal . S’il a moins de trois mois, il est prudent de consulter le médecin en cas de fièvre. Après trois mois, la température doit inquiéter les parents si elle est associée à des signes de malaise, des troubles du sommeil ou de l’alimentation, ou encore une mauvaise coloration de la peau.