J eunes mariés, Sylvia
et Fedja* ont voulu retourner «au pays», c’est-à-dire en Bosnie-Herzégovine, que ce dernier avait quitté à l’âge de 12 ans. Signes particuliers: Sylvia est Suissesse, Fedja est détenteur d’un permis B et parfaitement intégré en Suisse après y avoir étudié et travaillé plusieurs années.
Mais huit mois plus tard, le couple est de retour. La situation économique de
la Bosnie-Herzégovine étant chaotique, impossible de s’y établir dans de bonnes conditions. Entre-temps, Fedja a perdu son permis B, comme tout détenteur quittant la Suisse plus de six mois. Mais comme son épouse est Suissesse, il pense pouvoir le récupérer rapidement. C’est en tout cas ce que l’administration helvétique a expliqué au couple, qui s’était renseigné par téléphone depuis la Bosnie.
Autre version
Mais la police vaudoise des étrangers leur fait entendre un tout autre son de cloche: pour obtenir le «regroupement familial», c’est-à-dire pour faire vivre son mari auprès d’elle avec un permis B, Sylvia doit bénéficier de ressources financières suffisantes. Or, depuis leur retour, elle recherche toujours un emploi. Fedja, lui, en trouverait assez facilement, mais sans permis, il n’a pas le droit de travailler...
Dès lors, on déconseille à Sylvia de requérir le chômage ou l’aide sociale, car l’obtention du permis B serait compromise pour son époux!
Après deux mois et demi d’incertitude, Fedja obtient enfin son permis B. A peu près en même temps, Sylvia trouve du travail. Les jeunes gens sont soulagés, mais encore choqués de la manière dont ils ont été reçus à Lausanne. A raison. L’époux d’une Suissesse a en effet droit au permis B, explique Mario Tuor, de l’Office fédéral des étrangers. Et, contrairement à ce que prétendaient les autorités vaudoises, le fait que le couple était momentanément sans emploi n’était pas une raison pour déroger à la règle.
Seul un risque réel de se trouver durablement à la charge de l’assistance publique aurait pu représenter un empêchement. Le Tribunal fédéral a estimé, par exemple, qu’avoir une dette de 80 000 fr. envers l’assistance sociale dénote l’incapacité d’une personne à assumer ses besoins. Or, Sylvia et Fedja étaient loin d’être une charge pour la société, puisque, avant leur départ en Bosnie, ils étaient au bénéfice d’emplois stables en Suisse.
Chloé Maire, assistante
sociale à la Fraternité, organisme du Centre social protestant spécialisée dans l’aide aux étrangers, a conseillé le jeune couple. Elle déplore la fragilité du permis B, et même du permis C, soi-disant «d’établissement»: «Il arrive que des jeunes de la deuxième génération, titulaires d’un permis C, quittent la Suisse plus de six mois et se retrouvent sans permis à leur
retour. Ils se retrouvent alors à la case départ, comme s’ils n’avaient jamais habité là.»
Avant de séjourner à l’étranger, les titulaires d’un permis B ou C ont donc tout intérêt à s’informer sur les conséquences de leur départ.
Suzanne Pasquier
*Prénoms d’emprunt
Les permis de «A» à «S»
Un large éventail d’autorisations
La Suisse, qui accorde très parcimonieusement sa nationalité, compte plus de 19% d’étrangers. Entre des lois fréquemment révisées et un large éventail de
permis, ceux-ci peinent souvent à connaître leurs droits. Magalie Gafner, juriste au Service juridique d’aide aux exilés (SAJE) et
sociologue, a entrepris de clarifier la situation par le biais d’un guide*. Facile à consulter, il passe en revue les permis de A à S:
>A: Ex-permis de saisonnier, il a été remplacé par des permis de courte durée (voir L.)
>B: Voir article ci-dessus.
Il existe aussi des permis B pour des personnes sans activité lucrative (par exemple des étudiants ou des retraités).
>C: Permis d’établissement de durée indéterminée, qui s’obtient généralement après dix ans de séjour (permis B) en Suisse, ou après cinq ans de mariage avec un/une Suisse/sse.
>F: Admission provisoire, généralement lorsque le renvoi dans le pays d’origine mettrait la personne en danger.
>G: Autorisation de travail pour les frontaliers, sans autorisation de séjour.
>L: Autorisation de courte durée, au maximum un an, en principe pour travailler.
> N: Livret pour requérant d’asile, qui n’a pas le droit de travailler durant trois mois. Une fois au bénéfice d’une autorisation de travail, il cotise à l’AVS et à l’AI.
>Sans-papiers: Personnes sans permis, mais obligatoirement assurées contre la maladie. Si quelqu’un sans papiers travaille sans autorisation, il a néanmoins droit aux assurances sociales et aux droits habituels découlant d’un contrat de travail.
*«Autorisations de séjour en Suisse», par Magalie Gafner, Editions La Passerelle du Centre social protestant Vaud, 2003, 18 fr.
Commande au: 021 320 56 81.