D’une certaine manière, la Suisse fait partie de l’Europe. On pourrait du moins le croire, à observer l’omniprésence de la monnaie européenne dans la publicité, dans les restaurants ou dans les parkings, mais aussi sur les étiquettes de vêtements et les écrans des automates à billets des CFF.
Il n’y aurait que des raisons de s’en féliciter, si l’euro n’entraînait pas dans son sillage une cohorte de confusions, comme le démontre le courrier des lecteurs reçus par Bon à Savoir. Ainsi, une cliente d’un grand magasin a cru payer un pull 29 fr., découvrant plus tard qu’il lui avait été facturé 49 fr. Les 29 fr. étaient en fait des euros, monnaie indiquée en caractères minuscules et transposée en francs à un taux pour le moins fantaisiste.
Un autre lecteur s’est aussi étonné de la différence entre les prix en monnaie européenne et en francs affichés sur les étiquettes d’un supermarché: 1 € y revenait à 1,80 fr. alors que le taux de change se situe entre 1,50 et 1,60 fr.. On lui a cependant refusé le paiement en euros, plus avantageux.
Il est vrai que les produits fabriqués à l’étranger, en particulier les vêtements, comportent parfois une étiquette unique, avec la mention des prix de vente en euros dans différents pays européens et en francs pour la Suisse. Cet affichage ne pose pas de problème s’il en résulte clairement qu’en Suisse, la marchandise se paye en francs. Mais l’indication est illégale si elle crée la confusion, par exemple si les prix en francs et en euros figurent à des emplacements différents, avec le risque de ne voir que le prix en euros.
Conditions légales
Un commerçant ou un fournisseur de services acceptant le paiement en euros doit respecter l’Ordonnance sur l’indication des prix et les directives du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO).
- La double-indication en francs et en euros doit être claire et le taux de change
utilisé mentionné sur le lieu de l’offre ainsi qu’aux caisses. Cette exigence concerne les marchandises et les services (restaurants, agences de voyages, garages etc.), mais pas les transports publics. Les parkings (considérés comme services) sont donc en infraction lorsqu’ils font l’impasse sur le taux de change (ce qui est malheureusement fréquent) tandis que les CFF peuvent faire de même en toute impunité! - Dans la publicité, l’indication du prix en francs en plus de celle en euros n’est pas obligatoire (voir encadré). Mais si elle est présente, le cours de l’euro et la date de référence doivent être signalés. Il est possible d’y ajouter une phrase du type «sous réserve d’une modification du cours de change».
- Pour éviter les confusions, les réductions de prix dans les deux monnaies devraient être indiquées en pourcentage seulement. Quant aux prix comparatifs, ils ne doivent figurer qu’en francs suisses.
Et qu’en est-il des taux de change fantaisistes? On peut admettre un taux d’environ 1,50 fr. pour 1 € (alors qu’on peut actuellement s’en procurer à la banque pour 1,58 fr.*). Car si le commerçant revend ses euros à la banque, c’est bel et bien ce cours qui lui sera appliqué. Rien ne justifie, en revanche, un taux complètement fantaisiste: il représenterait une offre abusive, que le client serait bien inspiré de refuser.
Attention au taux
Après un rapide pointage en Suisse romande, nous avons constaté que la plupart des commerçants changent 1 € contre 1,50 à 1,55 fr. Il convient toutefois d’être prudent, car nous avons relevé un taux de 1,30 fr. dans un parking et un autre de 1,40 fr. dans une boutique de mode.
Suzanne Pasquier
*Cours du 23 mars 2004.
une exception
Euro dans la pub
Une de nos lectrices a fait passer une petite annonce dans un quotidien suisse pour la vente d’un objet immobilier en France. Elle a mentionné le prix en euros uniquement, puisque la transaction se déroulera vraisemblablement dans cette monnaie.
Mais la Police vaudoise du commerce ne partage pas ce point de vue. Elle a fait savoir à notre lectrice qu’elle était en infraction, car tous les prix publiés en Suisse doivent mentionner la valeur en francs suisses.
A l’administration fédérale, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) voit les choses tout autrement! Il signale que l’Ordonnance sur l’indication des prix n’impose pas une mention en francs suisses dans la publicité et les petites annonces. Car pour un objet qui sera payé dans une autre monnaie, l’indication du prix en francs suisses risquerait de ne pas être précise. Pour prendre un exemple assez courant, si un Helvète loue un camping car aux USA en dollars, mieux vaut se référer à cette monnaie.