Train ou avion? Les passionnés du rail et les inconditionnels du ciel auront vite fait leur choix. Les autres, soit la majorité des voyageurs, ne trancheront qu’après avoir répondu à une autre question: combien ça coûte?
A l’initiative d’Ouest Rail, association de défense des intérêts ferroviaires de Suisse occidentale, qui organise prochainement un débat public sur ce sujet (lire l’encadré), nous avons voulu répondre à cette question et nous sommes lancés dans une longue enquête, relevant régulièrement entre le 25 avril et le 28 septembre derniers le prix des billets d’avion pour cinq voyages prévus à mi-octobre. Le rail, en revanche, n’a pu être considéré qu’à partir du mois d’août, puisque les réservations ne peuvent se faire plus de trois mois à l’avance.
Nous partions d’un a priori: le prix des trains resterait constant sur la durée, alors que celui des avions serait avantageux en début d’exercice et cher en fin de course. Tout faux! Certes, le prix d’un billet d’avion est depuis longtemps étroitement lié à la date de sa réservation, mais notre enquête démontre qu’aujourd’hui, le prix du billet de train suit une évolution similaire (voir graphiques). Face
à la concurrence des airs, de nombreux pays européens ont en effet opté pour une politique tarifaire ferroviaire plus agressive.
Déroulement de l’enquête
Le but de l’enquête n’était donc pas de trouver la destination la moins chère, mais de mettre en perspective le coût
du déplacement selon chaque mode de transport. Pour ce faire, nous avons envoyé une famille de Verbier à Londres, un homme d’affaires de Romont à Paris, un couple de Moudon à Bruxelles, une retraitée de Genève à Rome et un adulte de Delémont à Barcelone.
Tous les quinze jours, toutes les semaines, puis tous les jours, soit à dix-sept reprises, nos enquêteurs se sont mis dans la peau de ces voyageurs imaginaires et ont recherché le meilleur prix pour un billet aller-retour sur le site internet d’une compagnie aérienne low cost (Easy Jet ou Virgin Express) et sur celui de la compagnie nationale du pays de destination. Avec ce même critère, ils se sont ensuite rendus au guichet international des CFF, à Lausanne.
Pour parfaire la comparaison, nous avons ajouté au prix du voyage aérien le coût du trajet (réalisé en train) reliant le domicile du voyageur à l’aéroport le plus proche et de l’aéroport de destination au centre-ville, soit à la gare (selon les possibilités, en bus, train, navette, etc.).
Notre enquête s’est exclusivement limitée au prix à payer, sans tenir compte de la durée de la course ni de la consommation d’énergie. Il est en effet admis que l’avion est plus rapide (sauf pour des trajets inférieurs à quatre heures), mais que le train est plus écologique.
Etonnantes différences
Un examen attentif des différentes courbes (voir graphiques) permet de constater qu’en réservant trois semaines à l’avance:
> il est plus avantageux de se rendre à Bruxelles et à Paris en train;
> la différence est peu significative entre le rail et la compagnie low cost desservant Rome et Barcelone;
> Londres est clairement une destination chère en train.
Les courbes, qu’elles descendent ou qu’elles montent au fil du temps, s’expliquent par
ce qu’on appelle la politique des contingentements. Dans un même avion, ou dans un même train, le montant à payer varie en fonction du nombre de places à disposition pour tel ou tel prix. C’est ce qui amène parfois à se trouver assis à côté d’un passager qui a payé deux fois moins ou deux fois plus que vous…
Ces courbes ne sont d’ailleurs pas linéaires, ce qui revient à dire que ce ne sont pas nécessairement ceux qui ont réservé le plus tôt qui paieront le moins, mais ceux qui ont réservé au bon moment. Problème toutefois: il est impossible de déterminer avec exactitude quel est ce bon moment!
Une exception pourtant: le prix du billet de train pour se rendre à Bruxelles est resté presque constant durant trois mois. Cela est dû, notamment, à un matériel roulant peu moderne sur cette ligne, ne permettant pas de jouer avec les nouvelles règles du marché.
Enfin, le prix très élevé de certaines compagnies nationales (notamment Air France et Iberia) s’explique par le type de clientèle (affaires et transit surtout).
Zeynep Ersan Berdoz
débat public
Ponctualité ou prix cassé?
Face à la concurrence de l’aviation, la politique tarifaire ferroviaire en vigueur dans certains pays européens s’est profondément modifiée.
Mais rien de tel en Suisse (les variations de prix sur la durée proviennent des trajets faits sur rail étranger), où la concurrence est essentiellement assurée par l’automobile… Pour y faire face, les CFF ont donc développé d’autres arguments, tels que la fréquence, la cadence et la ponctualité.
La souplesse du système helvétique comparé aux tarifs low cost des compagnies ferroviaires et aériennes européennes sera au cœur d’un débat public gratuit, organisé par l’association Ouest Rail, le 3 novembre prochain à Yverdon-les-Bains (voir ci-contre).
Notre enquête permettra aux représentants de l’aviation, du rail et des consommateurs de développer leurs arguments sur la base de situations réelles.