> 60 millions de consommateurs, février 2010, "Les emballages ont la folie des grandeurs".
Qui n’a pas été surpris face à un paquet de riz, de flocons de pommes de terre ou de céréales pour le petit-déjeuner rempli à peine à plus de la moitié? On trouve l’explication au moment de la fabrication. Le produit est versé par le haut du paquet, et son accumulation forme une petite dune: c’est l’effet de cône. «Le produit se tassera durant le transport et le stockage, ce qui provoque ce vide qui n’existait pas lors de leur conditionnement», explique Olivier Labasse, délégué général du Conseil national de l’emballage (CNE). Le même phénomène touche les poudres à laver. L’effet de cône contraint à ne remplir que 80 % du baril. Ajoutez à cela le tassement qui étale la poudre et crée encore plus de vide: «Le tassement peut atteindre 20 % entre le volume de remplissage et le volume stocké chez le consommateur», précise Julien Wintemberger,directeur marketing de Procter & Gamble (Bonux, Ariel, Dash, etc). Au final, plus d’un quart du paquet est vide: 28 % en moyenne. Ce vide est-il impossible à combler? «Certains industriels sont parvenus à de meilleurs résultats en emplissant par le fond», rapporte Olivier Labasse. Henkel est ainsi parvenu à augmenter jusqu’à 16 % le taux de remplissage de ses paquets de lessive. Autre vide vertigineux, celui des chips: «Ce sont des produits fragiles, plaide-t-on chez PepsiCo, le fabricant des chips Lay’s. Les consommateurs peuvent faire le test en perçant un petit trou dans le pack pour en évacuer l’air, ils constateront que les chips s’écrasent.»
> L’Illustré, 7 novembre 2007, "A moitié vide ou à moitié plein?"
L’avis de Didier Louvier, responsable du laboratoire Emballage et conditionnement de la HEIG (Haute Ecole d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud).
«D’un point de vue technique, l’emballage doit répondre à plusieurs critères. Il doit protéger le produit, être pratique à utiliser par le consommateur et les employés des magasins, facile à transporter de l’usine au supermarché et répondre à une fonction de marketing. Un paquet trop petit et c’est les gars du marketing qui vous tombent dessus: pas la place de noter la composition, d’utiliser des caractères lisibles par l’être humain et, spécificité suisse, de traduire le tout en trois langues. Bien sûr, techniquement, la majorité de ces produits pourraient être optimisés. Mais il ne faut pas oublier que ces paquets ont souvent une taille standard qui permet d’avoir recours à des unités de conditionnement classiques et que les concepteurs réfléchissent souvent d’abord en matière de place à occuper sur les palettes de transport. Autre inconvénient, si vous augmentez le nombre d’unités dans un paquet, vous augmentez le coût du paquet et le consommateur ne sera pas forcément prêt à débourser plus. Bien sûr, les poupées russes, ces emballages énormes qui donnent l’illusion d’être plein, trompent le consommateur et ce n’est pas acceptable. Cependant, customiser un paquet pour l’adapter au contenu, ce n’est pas forcément un bon calcul économique: changer de chaîne de production, de cartons, de palettes de transport, ça peut coûter plus cher que d’accepter le vide dans une boîte de céréales.»
> Consumer Report Magazine, janvier 2010, "Air to spare – Why is that package half-empty?" (résumé en français).
Ça arrive à chaque fois: on ouvre un sachet de snacks, une boîte de céréales ou une bouteille de pilules et on y trouve un tout petit peu de produit et… beaucoup d’air. (…)
Brian Wansink, professeur et directeur du Cornell Food and Brand Lab, qui a étudié le comportement d’achat durant des années, explique que les consommateurs ont tendance à ignorer l’étiquette et qu’ils basent largement leur achat sur les dimensions du paquet. «La plupart de nos études montre que 75 à 80% des consommateurs ne prennent même pas la peine de jeter un coup d’œil aux informations figurant sur l’étiquette et encore moins au poids net.» Face à une grande boîte et une petite boîte, les deux contenant la même quantité de produit, les consommateurs ont tendance à prendre la plus grande, parce qu’ils pensent qu’elle a plus de valeur.
(…)
Tim Bohrer, de Pac Advantage Consulting, une entreprise de consulting d’emballage de Chicago, concède «qu’il pourrait il y avoir des cas suspects, voire des paquets délibérément trompeurs et sous remplis». Mais, ajoute-t-il, le coût de l’impact négatif sur la réputation de la marque est trop lourd à assumer et comporte trop de risques.
Quoi qu’il en soit, les fabricants essaient d’être plus, et non moins, efficaces grâce à leur emballage, comme l’explique Joe Angel, vice-président et éditeur de Packaging World, une publication commerciale. Ce dernier explique que les entreprises sont en train de trouver de nouveaux moyens de créer des boîtes, des sacs et des cartons qui protègent correctement les produits et les garde au frais tout en utilisant plus de matériaux renouvelables et en laissant une empreinte de carbone plus faible. Joe Angel fait remarquer qu’un fabricant de hot-dogs a récemment économisé plusieurs millions de dollars en raccourcissant de quelques centimètres ses emballages. De cette façon, davantage d’emballages entrent dans les conteneurs pour le transport maritime et les camions qui acheminent les marchandises vers les magasins font moins de trajets.
Ce que vous pouvez faire
Pour éviter d’être pris au dépourvu, regardez le poids net du produit qui vous intéresse et comparez-le avec les tailles et poids de produits similaires. Secouez les boîtes d’aliments comme le riz ou les pâtes.
La Food and Drug Administration (FDA) dit surveiller les irrégularités d’emballage, mais avec des milliers de produits sur le marché, l’agence se repose aussi sur les plaintes de consommateurs.