Une seule variété de chocolat qui manque, et toute une boîte se trouve dépeuplée… C’est l’expérience frustrante vécue par un proche du soussigné: impatient de faire goûter à ses hôtes sa variété préférée parmi les 5 sortes de tablettes Lindt Excellence d’une boîte de 28 pièces, il fouille en vain dans celle-ci, et doit se rendre à l’évidence. La variété en question («Eclats de cacao») n’y figure pas!
Comment se demande notre chocophile, dépité, les «maîtres chocolatiers» de Lindt, dont la pub télévisée vante l’âme artisanale, auraient-ils eu un instant d’égarement lors du remplissage? Et au fait, comment les remplit-on, ces boîtes contenant, en vrac, plusieurs sortes de tablettes miniatures – dont les Suisses consomment plus de 5000 tonnes par an?
Petite comptabilité
La curiosité mise en appétit, Bon à Savoir a d’abord acheté 3 boîtes de Lindt Excellence assortis, 3 paquets de napolitains de la même marque, et 3 autres de la marque Cailler. Un décompte minutieux du nombre de tablettes de chaque variété a été effectué. Le résultat est déconcertant: pas un paquet ne ressemble à l’autre.
Côté Excellence, une boîte aligne 9 «Cacao suprême» et un seul «Extra Crémeux», alors qu’une autre boude les «Eclats de Cacao» (3 misérables tablettes seulement).
Les emballages de 250 g de napolitains assortis de la même marque sont encore plus discriminatoires: les «lait-noisettes» tiennent le haut du paquet (12 ou 13 pièces), mais les «Lindor» plafonnent à 3, 4, voire un seul… ou même aucun exemplaire.
Pas d’écart aussi flagrant pour les napolitains de Cailler (emballages de 250 g contenant «environ» 50 pièces), mais des proportions moyennes variant entre 3 et 9. Là encore, les variétés
au lait (lait-noisettes, lait-amandes, etc.) prédominent.
La faute aux machines
Faut-il en déduire que certaines variétés sont «poussées», peut-être pour tenir compte des goûts des consommateurs, ou de différences éventuelles de coûts de fabrication? «Ces coûts ne varient pas d’une sorte à l’autre, répond Kurt Münzinger, secrétaire de Chocosuisse; et les matières premières les plus chères, cacao et beurre de cacao, entrent de toute façon dans la composition de toutes
les variétés.»
«Nous voulons offrir toutes nos variétés, sans exception, confirme Philippe Oertlé, porte-parole de Nestlé, propriétaire de la marque Cailler. Le tri est fait de façon aléatoire par une machine approvisionnée avec toutes les variétés. Leur proportion peut varier, mais toujours autour d’une certaine moyenne.»
Réponse analogue chez Lindt: «Les emballages d’Excellence Mini comme les napolitains assortis sont remplis mécaniquement, mais le mélange est fait à la main. Pour les Excellence Mini, par lots de 50 kg de chaque variété, précise Sylvia Kälin, porte-parole des «maîtres du chocolat.»
Constat mi-amer
Mais si le goût des consommateurs n’a guère de prise sur la composition des boîtes d’Excellence de Lindt, il joue un rôle pondérateur dans celle des napolitains de la même marque: «On y met d’avantage de chocolats au lait que de noirs, pour tenir compte des préférences statistiques des consommateurs», avoue Sylvia Kälin, avant de s’excuser: «Cela ne correspond pas forcément au goût des Romands…»
Bref, à l’instar des emballages de napolitains, le constat est panaché – ni tout noir ni tout blanc: les «maîtres du chocolat» sont aussi, parfois, les servants de machines sans âme…
Blaise Guignard