Au cours des années 1990, alléchés par de belles différences de prix, les consommateurs suisses se ruaient dans les supermarchés de France voisine. Puis, le phénomène s’est tassé en raison de la forte appréciation de l’euro. Il y a trois ans, la monnaie européenne avait passé la barre des 1.60 fr., avant d’entamer une véritable dégringolade pour arriver, au moment de notre enquête, aux alentours de 1.35 fr. Dès lors, les consommateurs suisses peuvent-ils de nouveau faire de bonnes affaires dans les rayons français? Oui, mais à condition d’habiter à proximité de la frontière et d’acheter un certain volume de denrées, comme le montre notre comparatif.
Afin de chiffrer le phénomène, nous avons sélectionné quatre grandes enseignes, Migros, Casino, Aldi et Lidl, présentes à la fois du côté suisse et en France voisine. Nous y avons fait des pointages en relevant à chaque fois les prix d’une dizaine de produits. Lorsque c’était possible, nous avons acheté, des deux côtés de la frontière le même produit, de la même marque, ou, à défaut, un produit similaire.
Différences marquées
Premier constat: baisse de l’euro aidant, s’approvisionner, dans une même enseigne, en France plutôt qu’en Suisse est bien moins coûteux. L’économie est particulièrement marquée chez Casino, avec 42,81% de différence pour les produits choisis. Elle se monte à 32,73% chez Aldi, 28% chez Lidl et 26,5% chez Migros.
Deuxième constat: les différences entre la France et la Suisse sont plus importantes pour certaines catégories de produits, notamment la viande et les produits laitiers. Pour d’autres, elles sont moins marquées et même nulles dans le cas des marques propres de Migros. Le consommateur transfrontalier a donc tout intérêt à cibler les catégories à forte différence de prix, dans les limites imposées par les douanes (lire encadré).
Coûts de déplacement
Pour calculer l’économie réelle, il faut toutefois inclure les frais de déplacement jusqu’en France (nous avons considéré qu’ils étaient nuls pour les achats en Suisse).
Les frais kilométriques ne sont pas toujours faciles à estimer. Ils dépendent de nombreux facteurs, dont le prix d’achat du véhicule et le kilométrage annuel. Le TCS a établi un système de calcul complexe, mais assez précis*. En nous basant sur les chiffres du TCS, nous avons subjectivement choisi, pour nos exemples, un coût de 50 ct. le kilomètre, qui correspond grosso modo à un véhicule de 17 000 fr. roulant un peu plus de 15 000 kilomètres par an, carburant inclus.
Imaginons maintenant que vous habitiez à 100 kilomètres du supermarché français (200 km aller-retour), il faudra que vos achats vous permettent une économie minimale de plus de 100 fr. (0.50 fr. par kilomètre x 200 km) pour que vous effaciez le coût du déplacement en vous rendant en France.
Exemples de calcul
Une fois qu’on a déterminé les frais kilométriques de son véhicule, il faut connaître la distance jusqu’au supermarché et le montant approximatif que l’on compte dépenser en courses pour déterminer l’intérêt réel de l’opération.
Deux exemples
- Monsieur Chansseux habite à Versoix (GE), il désire se rendre chez Migros, à Etrembières (France)
- Valeur des courses en Suisse: 200 fr.
- Distance aller-retour 36 km
- Coût kilométrique (base de 50 ct./km): 18 fr.
- Différence de prix selon notre panier: 26,50%
Monsieur Chansseux économisera 35 fr. (26,5% de 200 fr. = 53 fr. moins les coûts kilométriques de 18 fr.), soit 17,5%. - Reprenons exactement le même scénario avec Monsieur Malchansseux qui, lui, habite à Lausanne. Dans son cas, il devra parcourir 172 km aller-retour. L’économie de 53 fr. (26,5%) ne suffira pas ici à combler le coût du déplacement, qui s’élève cette fois à 86 fr.
Conclusion: faire ses courses en France est une bonne affaire pour autant qu’on cible les produits achetés, qu’on habite à proximité de la frontière et que le montant des courses soit relativement important. Avant de se décider, deux éléments doivent encore être pris en compte: le temps perdu pour le déplacement et la pollution résultant de l’utilisation d’un véhicule. En contrepartie, il est vrai, certains supermarchés français proposent un grand choix de produits locaux et de marques introuvables de ce côté-ci de la frontière.
Sébastien Sautebin
BONUS WEB: les frais kilométriques
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré ci-contre.
EN PRATIQUE
A la douane: les limites à ne pas dépasser
Par personne et par jour, il est possible d’importer les denrées suivantes, à condition de ne pas excéder un montant individuel de 300 fr.
- un demi-kilo au total de viande fraîche, réfrigérée ou congelée;
- 1 kilo ou litre au total de beurre ou de crème;
- 3,5 kilos au total de préparations de viande, saucisses, conserves de viande, volailles;
- 5 litres/kilos au total de produits laitiers (sans le fromage et le séré);
- 4 litres/kilos au total d’huiles, de graisses et de margarine;
- 3 litres de jus de fruits.
Les douanes sont plus généreuses avec les fruits et les légumes, puisqu’il est possible d’en importer 20 kilos par sorte.
Toutes ces quantités s’entendent par personne (enfants inclus), ce qui signifie concrètement qu’un véhicule avec quatre occupants est autorisé à importer deux kilos de viande. Au delà de ces quantités, l’importation est nettement moins intéressante puisque les droits de douane, pour la viande par exemple, se montent à 20 fr. par 500 g supplémentaires.