Un chat Manx sur cinq naît avec des anomalies. C’est prouvé scientifiquement. Cela peut aller de pattes mal formées jusqu’à la paralysie de la vessie, en passant par l’absence d’anus ou le dos ouvert (spina bifida), comme l’a observé le généticien britannique Roy Robinson.
Malgré cela, il existe des éleveurs de Manx en Suisse. Parmi eux, la Genevoise Huguette Noebels. Elle affirme que la part d’animaux handicapés n’est «ni plus ni moins importante que la moyenne chez les autres races».
«Cette affirmation ne peut pas être vraie», commente pour sa part Wilhelm Wegner, professeur à l’école supérieure vétérinaire d’Hanovre et auteur de l’ouvrage Fehlentwicklungen in der Haustierzucht (trad.: Les mauvais développements dans l’élevage d’animaux domestiques).
Selon ce spécialiste, les anomalies sont causées par le facteur héréditaire Manx. Il se manifeste par une queue raccourcie, voire manquante. Ce facteur se retrouve dans tous les gènes de chats Manx et «il ne peut pas être désactivé», note Wilhelm Wegner. En élevant ces félins, il y donc toujours un risque de naissance de chatons mal formés, estime-t-il.
Punissable en Hesse
Dans le Land allemand de Hesse, les éleveurs de Manx peuvent être poursuivis judiciairement pour élevage cruel. Et ils sont punissables. D’ailleurs, la loi allemande pour la protection des animaux interdit l’élevage de mammifères lorsque, à cause de facteurs héréditaires, on doit s’attendre à ce que la descendance souffre de l’absence d’organes ou de membres nécessaires à la race.
En Suisse, les éleveurs peuvent agir à leur guise. Ce que condamne notamment la vétérinaire bernoise Flurina Stucki. Auteure d’un travail de doctorat, commandé par l’Office fédéral vétérinaire (OFV), elle exige que l’élevage des chats se fasse sans que leur bien-être pâtisse des caractéristiques de race. Quant aux Manx, dont elle estime que l’élevage «provoque des souffrances et tares parfois extrêmes », elle en exige l’interdiction pure et simple. Même revendication de la part d’Andreas Steiger, professeur en détention d’animaux au Tierspital de Berne.
Par ailleurs, sur demande de l’OFV, des vétérinaires ont établi une liste d’animaux dont l’élevage devrait être stoppé au nom de la protection des animaux. Parmi eux, les chats persans et les burmises ainsi que ceux de race exotic shorthair. Tous souffrent d’une série de problèmes, dus à leur élevage à outrance. Ce dernier vise à obtenir des bêtes à la tête ronde et au museau le plus plat possible. Résultat: de fréquentes déformations des canaux nasaux, d’où des problèmes respiratoires et de dentition, ainsi que des canaux lacrymaux bouchés. Sans parler des césariennes, toujours plus nombreuses, car les chatons à crâne rond sont difficiles à accoucher.
Loi à la traîne
Malgré ce constat, les politiciens ne sont pas pressés: un complément à la loi suisse sur la protection des animaux traitant des élevages cruels existe depuis 1996. Mais sa réalisation tarde. D’ailleurs, la Suisse a ratifié, en 1993, la convention européenne pour la protection des animaux. En 1995, dans les recommandations d’application de cette convention, des experts européens exigeaient aussi l’interdiction de l’élevage des Manx. Mais cet élément n’a pas été repris dans la législation helvétique.
Du côté des «amis des chats» on ne veut pas entendre parler d’une telle interdiction. Selon Denise Kölz, présidente de la Fédération féline helvétique (FFH), cela ne servirait pas à grand-chose. Argument: sa fédération fait partie de la Fédération internationale féline ( FIFe) qui reconnaît la race des Manx.
L’Association suisse pour la médecine des petits animaux ne serait pas non plus enchantée par une interdiction. Quelques-uns de ses membres craignent la perte d’une bonne source de revenus: les animaux souffrant de tares nécessitent davantage de soins que les bêtes saines.
Une lueur d’espoir
La toute nouvelle section d’enseignement et de recherche «Détention et protection des animaux», ouverte à la Faculté de médecine vétérinaire de Berne, a donc du pain sur la planche! Ses chercheurs devront notamment étudier quelles sont les répercussions de certaines formes d’élevage sur l’animal.
Une lueur d’espoir dans le monde obscur de certains félins de race.