Sur les sites romands de petites annonces, les offres de chatons de race abondent, avec des prix atteignant 1600 fr. l’animal. Un montant qui donne des idées, car, à ce tarif, une portée de cinq petits permet d’engranger la rondelette somme de 8000 fr. De quoi être tenté de se transformer en éleveur du dimanche pour profiter de cet eldorado félin où les chattes semblent être des poules aux œufs d’or.
Ce rêve, les spécialistes du domaine s’empressent de le briser tout net: «Ne pensez pas que c’est lucratif», prévient Susanne Steidle Filler, présidente de la Société féline Neuchâtel-Jura. Un avis que partage Sandro Chiavuzzo, président du Cat Club Vaud, Valais & Fribourg. Réalité ou discours convenu d’éleveurs qui redoutent la concurrence de nouveaux venus?
A y regarder de plus près, les contraintes de l’élevage sont nombreuses. D’abord, pas question, par exemple, de transformer sa chatte de race en pondeuse de batterie: la Fédération internationale féline accepte un maximum de trois portées sur deux ans. Au-delà, pas de pedigree. Pour Sandro Chiavuzzo, il est même préférable de n’avoir qu’une portée par an, afin de laisser le temps à la mère de récupérer.
Par ailleurs, si, en moyenne, une mise bas donne quatre chatons, les portées avec un ou deux petits ne sont pas rares. Sans compter les flops: une lectrice qui voulait commencer un élevage de race, a dû se résigner à faire stériliser sa femelle après deux ans et demi de contacts infructueux avec les mâles.
Grosses dépenses
Côté dépenses, l’achat des chats, la nourriture, la litière, les expos, le vétérinaire et le matériel (cage de transport, arbres à chats…) pèsent lourd dans le budget. Les comptes de Stéphanie*, une Vaudoise qui a lancé son élevage en 2005 et possède six chats de race adultes, affichent un découvert de 20 000 fr. A elle seule, une méchante épidémie de gastro-entérite a fait gonfler la facture annuelle du vétérinaire à 6000 fr…
De petites portées, une chatte stérile ou des frais vétérinaires importants peuvent plonger les comptes dans le rouge. Et même si tout se passe sans accroc, il ne faut pas s’attendre à des bénéfices mirobolants, comme le montre notre budget d’élevage (voir tableau ci-contre), qui n’inclut d’ailleurs même pas les frais liés à la publicité et au site web de l’élevage, ni les dépenses pour les expositions. Le coût de ces dernières, nécessaires afin d’obtenir le pedigree de ses chats, les faire connaître et obtenir des distinctions, ne doit pas être sous-estimé, puisque, aux frais d’inscription de 50 fr. par jour et par bête, il faut ajouter les repas, le coût du déplacement et, selon la distance, l’hôtel du propriétaire. La facture d’u week-end peut alors facilement atteindre 500 fr. pour deux chats!
Le coup du mâle
Si l’on espère empocher quelques billets, une stratégie semble séduisante: miser sur un mâle reproducteur. Ces derniers se louent de 500 fr. à 1000 fr. par saillie. Mais il faut être prêt à supporter les conséquences, notamment olfactives, car un mâle marque énormément et l’odeur, très forte, s’imprègne. «C’est infernal», confirme Susanne Steidle Filler. Et il ne suffit pas de passer une petite annonce pour qu’on s’arrache les services du reproducteur: pour asseoir sa réputation, il faut faire des expos, avec le coût que l’on sait. Bref, on ne devient pas Crésus en élevant des chats.
*Prénoms fictifs.
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.