Celles et ceux qui ont la peau sensible ont tout intérêt à bien choisir leur écran solaire. Le Centre suisse de toxicologie humaine appliquée (Scaht) à Bâle, à qui nous avons confié treize sprays (lire encadré), a notamment relevé que le Nivea Protect & Moisture contient pas moins de sept parfums et trois agents conservateurs reconnus pour leur potentiel allergisant! A l’opposé, aucun allergène de contact établi n’a été identifié dans les sprays des marques Daylong, Cien, Vichy, et La Roche-Posay. Les autres produits contiennent d’une à huit substances problématiques (voir tableau).
Gare aux huiles essentielles!
Le danger? «Les personnes préalablement sensibilisées à ces différentes classes de substances pourraient développer des allergies cutanées, comme des dermatites ou de l’eczéma de contact, même dans les concentrations usuelles autorisées pour chacune d’entre elles. Ces réactions sont réversibles et, dans la plupart des cas, sans gravité», souligne Nicolas Roth, expert toxicologue au Scaht. Le degré de risque varie selon la substance. En règle générale, les parfums/fragrances, et notamment les huiles essentielles, ont un potentiel nettement plus allergisant que les agents conservateurs. On estime que 1% de la population serait sensibilisée à ces substances.
Parmi les substances relevées dans les treize produits, le Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (SCCS) pointe notamment du doigt le citral, la coumarine, l’eugénol, le géraniol, le limonène et le linalool. Leur présence est d’autant plus fâcheuse que, contrairement aux filtres UV et aux agents conservateurs, qui sont des composants utiles, les parfums sont des ingrédients dont on pourrait se passer. Ce n’est pas totalement vrai pour certaines huiles essentielles que les fabricants peuvent utiliser pour d’autres raisons, comme leur action antioxydante.
Du côté des agents conservateurs, la bonne nouvelle est incontestablement l’absence de méthylisothiazolinone (MIT). Substance que l’industrie cosmétique utilise parfois pour remplacer des parabènes et qui provoque de nombreux eczémas de contact (lire «Parabènes remplacés par pire», BàS 3/2014).
Eviter les parfums
Dès lors, que faire? «Les personnes qui ont une tendance allergique choisiront de préférence un produit qui ne contient pas trop de parfums», conseille Caroline Huber, dermatologue aux HUG. Un avis partagé par Nicolas Roth, qui précise en outre: «En théorie, plus il y a de substances allergisantes, plus le risque de développer une allergie augmente, bien que cette augmentation ne soit pas forcément proportionnelle.» L’expert tient néanmoins à relativiser ce risque: «Globalement, les treize produits solaires sont sûrs et ne présentent pas de risque pour la santé des consommateurs si les conditions d’utilisation prévues et de stockage sont respectées.»
Caroline Huber confirme que les consultations dermatologiques liées aux protections solaires demeurent rares. Les deux spécialistes insistent également sur le fait que la balance entre les éventuels effets indésirables et les bénéfices des produits solaires penche très nettement en faveur de leur utilisation, au vu notamment de l’incidence élevée des cancers de la peau en Suisse. N’hésitez donc pas à «les appliquer en quantité suffisante», comme le recommande l’Office fédéral de la sécurité alimentaire, tout en veillant à éviter les expositions prolongées entre 11 heures et 15 heures.
Examinez votre produit solaire
Quelle que soit la lotion que vous avez choisie, évitez de l’exposer à de fortes chaleurs et à la lumière directe du soleil. Elle risquerait non seulement de ne plus être efficace, mais encore «d’exposer le consommateur à des sous-produits de dégradation qui, eux, peuvent être toxiques» relève Nicola Roth. En cas de doute, mieux vaut ne plus l’utiliser. Il suffit souvent d’observer le produit, de le toucher et de le sentir pour remarquer des anomalies. S’il dégage, par exemple, une odeur désagréable, qu’il contient des grumeaux ou qu’il n’est plus homogène, jetez-le. Selon les fabricants, un écran solaire ouvert se conserve douze mois dans des conditions optimales après avoir été ouvert et, s’il est fermé, jusqu’à la date de péremption.
Sébastien Sautebin
Dans le détail
Les critères du comparatif
Nous avons acheté treize laits solaires en spray parmi les plus vendus avec un indice de protection oscillant entre 20 et 30. Un expert du Centre suisse de toxicologie humaine appliquée (Scaht) a, ensuite, examiné minutieusement les listes des ingrédients mentionnées sur les emballages. Il a identifié les parfums/fragrances ainsi que les agents conservateurs dont le potentiel allergisant n’est pas simplement supposé mais reconnu par des études fiables. Nous avons alors établi un classement indicatif basé sur le nombre de substances problématiques relevées. Notre tableau indique également quelles crèmes contiennent l’ingrédient «parfum» ou «parfum/fragrance». Cette dénomination pose problème, puisqu’elle ne précise pas la composition exacte.