Histoire exemplaire: Ennio Verna, internaute gourmand, veut un accès performant à la grande toile. Il demande à Bluewin une connexion ADSL en novembre 2002... qu’il n’obtiendra qu’en février 2003. Déçu, notre lecteur de Villeneuve s’indigne: «Bluewin a fait une grande campagne promotionelle pour l’ADSL, sans s’inquiéter de savoir si les raccordements étaient disponibles!»
La voix d’Ennio Verna rejoint le chœur des nombreux internautes déçus par les promesses de l’Internet à grande vitesse, via le câble TV ou l’ADSL. Mais si la même insatisfaction en résulte pour les surfeurs, les problèmes de ces deux modes d’accès sont d’origine très différente.
L’ADSL
L’ADSL permet une connexion permanente par les lignes téléphoniques existantes, mais sans bloquer le téléphone. La vitesse de transmission varie selon la classe de performance choisie par le surfeur (et son budget), mais multiplie par cinq la vitesse d’un modem 56k.
Pour se brancher, il faut vérifier si le raccordement téléphonique est compatible (un coup de fil à l’opérateur suffit). Les lignes aériennes, auparavant exclues de l’offre, sont désormais compatibles. Il faut ensuite demander l’activation de la ligne et installer un modem ADSL. En théorie... Dans la réalité, l’ADSL cause surtout deux types de soucis:
• Délais de livraison trop longs: c’est surtout la livraison des «ports» qui pose problème. Chaque ligne ADSL est en effet raccordée à un port ajouté au central géré par Swisscom – le grossiste de l’offre ADSL. Or, le seul fournisseur de ports, Alcatel, s’essouffle: Swisscom (qui l’a pourtant suscité) n’a pas su anticiper l’engouement pour l’ADSL. Résultat: des villages où le raccordement était planifié sont passés après des clients industriels plus rentables. Pour le porte-parole de Swisscom, Christian Neuhaus, «ces problèmes devraient être résolus d’ici à début avril», et le délai d’attente raccourci à 3-4 jours.
• Performances: elles sont vantées par deux chiffres – par exemple 512 kbit/s, 128 kbit/s – désignant la largeur de bande (c’est-à-dire le débit maximal de données par seconde de transmission) allouée dans les deux sens de circulation des données. Dans la réalité, elles sont toujours en deça de ces promesses. «On nous vend 1 kg d’eau au lieu d’un litre, sans préciser que le poids de la bouteille est inclus», résume joliment Didier Divorne, webmaster d’allo.ch. La raison: l’opérateur utilise une partie de la largeur de ban-de affichée pour faire fonctionner le système, réduisant d’autant les performances réelles. Mais Swisscom a fini par céder aux protestations des internautes: l’opérateur
a annoncé mi-février qu’il augmentait la bande passante offerte aux clients.
Le câble
Le câble, l’autre connexion prisée des internautes gourmands, demande la modification des réseaux câblés existants pour permettre la circulation des données dans les deux sens. Certains réseaux locaux, dont ceux du canton de Genève, ont renoncé à cette coûteuse mise
à jour. Les performances sont semblables à celles de l’ADSL... du moins en théorie. Les problèmes du câble touchent à la fois à la bande passante et au type de technologie utilisé.
• Bande passante: les internautes câblés se partagent un débit fixe établi par l’opérateur. Plus ils sont nombreux, plus ils doivent se serrer... La «répartition optimale des charges d’utilisateurs», en jargon, dépend du standard technique utilisé par les câblo-opérateurs. Seul grossiste suisse (à quelques rares exceptions près, notamment à Martigny et à Aubonne) de l’accès au web par câble, Cablecom utilise DOCSIS (abréviation anglaise de «Spécification d’interface pour transport de données par câble»), le standard le plus performant en la matière, pour son produit Hispeed. Avec Urbanet, Hispeed est l’un des deux «produits» web proposés par Cablecom, soit directement à ses abonnés, soit aux réseaux locaux dont il est le fournisseur.
Mais en dépit de sa position de leader, Cablecom ne gère pas l’ensemble des réseaux qu’il approvisionne, et ne peut donc exiger de tous qu’ils procèdent aux modifications techniques permettant l’installation de DOCSIS.
Or, Jacques Filippini, porte-parole de Cablecom, est catégorique: «Un réseau qui fait de mauvaises performances est à coup sûr un réseau non-DOCSIS.» Pour vérifier le système en vigueur sur un réseau, un coup de fil au câblo-opérateur local suffit. A terme, Cablecom entend imposer le système sur l’ensemble des réseaux qu’il contrôle – regroupant près de la moitié des abonnés romands au câble.
Du câble ou de l’ADSL, impossible de prédire quelle solution s’imposera à terme. Tout au plus peut-on relever que le choix offert aujourd’hui à la plupart des internautes romands est une alternative entre deux géants: Swisscom (en matière d’ADSL, le grossiste de tous les web-opérateurs: Sunrise, Tele2, etc.) et Cablecom.
Blaise Guignard