L’octroi des bourses d’études illustre magnifiquement le système fédéraliste suisse: chaque canton calcule, selon son propre barème, les montants alloués. Excédée par les inégalités qui en résultent, l’Union suisse des étudiants lance cet été une initiative afin d’assurer un minimum vital sur une base fédérale commune
Pour mesurer ces différences, nous avons soumis la même demande de bourse aux sept cantons romands. Notre étudiante, Léa, 22 ans, est inscrite en deuxième année à l’Université de Genève (de Neuchâtel pour l’exemple genevois), où elle loue une chambre. Sa sœur, gymnasienne, est également à charge de ses parents, eux-mêmes mariés, locataires, et seul le père travaille. Le revenu brut de la famille s’élève à 78 000 fr. 1. Nous avons estimé le budget annuel de Léa à 22 750 fr. Pour subvenir à ses besoins, elle a trouvé un petit job qui lui rapporte 3600 fr. par an (lire encadré).
Le résultat (voir tableau) est éloquent. Selon le domicile des parents de Léa, la bourse accordée variera entre 6860 fr. à Sion et 21 191 fr. à Bienne! Et ce n’est pas tout. Car mieux vaut avoir fait des études… de maths pour comprendre les barèmes appliqués.
Chaque canton a, en effet, sa propre recette pour arriver au revenu déterminant, qu’il soit brut (Genève), net (Jura) ou déductions sociales retenues (frais professionnels, enfants à sa charge, assurance maladie). Une fois ce chiffre obtenu, trois modes de calcul différents fixent le montant de la bourse.
Système du découvert (BE, FR, JU, VD)
Première étape: élaborer le budget nécessaire au ménage des parents (le père, la mère et la jeune sœur) pour tourner. Certains cantons se basent sur les chiffres de l’Office des faillites, d’autres sur ceux de l’aide sociale en les majorant de 10%, voire de 20%. En soustrayant ces dépenses aux recettes, on obtient la contribution théorique des parents aux frais de l’étudiante 3.
Reste alors à estimer le budget de ce dernier, chaque canton ayant fabriqué, là encore, sa propre calculette. En comparant cette somme à la contribution des parents, on obtient le montant de la bourse 5. A condition qu’il ne dépasse pas le plafond prévu, comme c’est le cas, dans notre exemple, pour Fribourg et le Jura.
Système du barème (VS)
En Valais, un barème établit directement la contribution à attendre des parents en fonction de leurs revenus. La bourse se monte à 70% du manque à gagner.
Un nouveau calcul détermine ensuite le prêt d’honneur, remboursable dès le début de la troisième année suivant la fin des études. Le montant alloué porte un intérêt de 4% dès le début de l’obligation de rembourser. Si Léa touche 6000 fr. pendant trois ans pour obtenir son bachelor, elle devra ainsi rembourser ce prêt pendant plus de 4 ans et demi, selon les mensualités fixées.
Système à points (NE, GE)
Ici, les revenus et les biens sont assimilés à des points négatifs, alors que les coûts d’entretien et de formation engendrent des points positifs. Une tabelle détermine, sur cette base, le montant de l’allocation.
Comme Léa a prouvé qu’elle ne peut suivre la filière choisie dans la Cité de Calvin,
Genève lui octroie une rallonge de 30% sur le montant maximal. Les frais d’inscription et de matériel sont aussi remboursés.
Harmonisation en vue
Cette situation, quelle que soit l’issue de l’initiative estudiantine, est provisoire. D’ici à la fin de l’année, en effet, plusieurs parlements romands devraient avoir ratifié le concordat de la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) édictant des principes communs. Ils auront ensuite cinq ans pour s’y conformer.
Le document fixe le montant minimal des allocations complètes: 12 000 fr. pour le secondaire postobligatoire (gymnase) et 16 000 fr. pour le tertiaire, dont un tiers allouable sous forme de prêt. Il bannit le système des points au profit du découvert à combler, plus transparent: Neuchâtel a déjà entrepris de revoir sa copie d’ici à la rentrée de 2012.
Pas de mot d’ordre, en revanche, sur le seuil minimal à accorder. Les cantons se sont laissé une marge de manœuvre, tenant compte du fait que les régions périphériques (Jura et le Valais par exemple), sont davantage sollicitées pour soutenir la relève que les centres urbains dotés d’une université.
Carte blanche aussi sur les délais des demandes. Elles sont en général à remplir au plus tôt, mais au plus tard avant la fin du premier semestre de la formation (avant le 31 décembre pour les Bernois). Inutile de déposer ses papiers dans un canton plus généreux: c’est celui où les parents paient leurs impôts qui verse la bourse. A noter, enfin, que les bourses ne sont pas imposables.
Claire Houriet Rime
BONUSWEB: Bourses accordées à la soeur de Léa, gymnasienne
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré ci-contre.