Baladeurs, radios, appareils de photos ou autres jouets pour enfants ne fonctionnent souvent qu’avec des piles. Mais combien de temps va-t-il s’écouler avant que l’appareil ne soit hors d’usage, faute d’énergie? Mystère et boule de gomme. Les fabricants ne se prononcent guère sur le rendement des piles. Et les informations fiables n’existent pas.
Un pèché par omission, en quelque sorte. Car pour une pile, le temps, c’est de l’argent. Rien qu’en Suisse, il s’en achète pour 150 millions de francs par an. Nous nous sommes donc demandé à combien revient une heure d’énergie. Ou plutôt, inversement, pendant combien de temps peut-on utiliser un appareil avec un franc?
Nous avons demandé à Rolf Zinniker, de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, de mener les tests qui pourraient nous donner la bonne réponse. Rolf Zinniker est en effet reconnu comme un expert en la matière. C’est lui qui a, entre autres travaux, prouvé que des piles alcalines normales pouvaient être rechargées plusieurs fois, même si leurs fabricants prétendaient le contraire. Nous lui avons donc confié un assortiment de 12 piles alcalines de 1,5 volt (taille Mignon), de 5 piles charbon-zinc de 1,5 volt aussi et de la même grandeur et, enfin, de 9 piles alcalines rectangulaires de 9 volts.
Tests différenciés
Certaines piles n’ayant pas le même rendement selon l’utilisation, Rolf Zinniker a procédé à deux tests. Il a d’abord calculé la durée de vie d’une pile alcaline de 1,5 volt dans un appareil ne consommant pas trop d’énergie, tel un walkman ou un gameboy. Puis, il a calculé la performance de ces mêmes piles dans des appareils exigeant passablement d’énergie, tel le flash d’un appareil de photos ou un jouet d’enfant animé par un moteur. Les résultats sont résumés dans l’infographie en haut de la page 17.
La plupart des appareils à piles fonctionnent cependant avec assez peu d’énergie. Or, en tels cas, les résultats du test sont parfaitement clairs: la meilleure des piles (Splendor), avec ses 2218 milliampères/heure, n’offre pas une performance très supérieure au dernier classé (Duracell: 2108 mA/h). La différence est même si infime qu’il vaut mieux ne pas en tenir compte.
Dès lors, la conclusion suivante s’impose: lors d’une utilisation normale, toutes les piles alcalines de 1,5 volt sont aussi bonnes les unes que les autres. Le prix devient donc le seul vrai critère de choix. Et là, les variations prennent des proportions non négligeables...
Vainqueur du test: la pile Splendor, achetée chez Epa. Elle fournit, pour un franc, presque 19 heures d’énergie pour un baladeur CD. La pile Mpower (même prix) la suit de près. Le plus mauvais résultat a été obtenu par une marque que l’on trouve pourtant dans de nombreux magasins: Duracell-Power Check avec testeur. La pile fournit certes à peu près la même quantité d’énergie que les meilleures, mais nous a coûté plus du double.
Charbon-zinc
Les piles charbon-zinc sont certes moins chères, mais peu recommandables. Elles fournissent nettement moins d’énergie que les piles alcalines (voir l’infographie au bas de la page 17, à droite). Et comme la plupart d’entre elles contiennent du mercure et du cadmium hautement toxique, mieux vaudrait y renoncer. Nous les avons cependant aussi testées: la pile Mbudget remporte facilement la palme. Elle est non seulement la moins chère, mais c’est elle qui fournit aussi le plus d’énergie!
Lorsque les appareils sont plus gourmands, la préférence est souvent accordée aux piles rectangulaires alcalines de 9 volts. Le graphique page 17, en bas, à gauche démontre, une fois encore, que les performances des neuf piles testées sont minimes. Donc, rebelotte: le prix devient le seul vrai critère du choix. Et là encore, les variations sont énormes: la meilleure pile (Daimon) dure presque trois fois plus de temps que la moins bonne (Leclanché Professionnelle)
Confrontés à ces résultats, certains fabricants comme Energizer, Coop ou Migros critiquent le fait que, lors de notre test, les piles sont déchargées sans interruption, ce qui correspond rarement à la réalité. Or, selon eux, les piles profitent de ces instants de répit pour se «retaper». D’autres fabricants ont cependant approuvé notre façon de faire.
Deux vies
Plus important: notre test a confirmé que lorsqu’un appareil ne fonctionne plus, faute d’énergie, il n’est pas certain pour autant que les piles soient à bout de souffle. Beaucoup d’appareils, certains baladeurs CD par exemple semblent, en effet, ne pas arriver à consommer toute l’énergie stockée dans les piles. «Il est même tout à fait possible qu’il reste la moitié de l’énergie dans la pile!» confirme Rolf Zinniker.
L’explication en est simple: les piles fournissent de la force (mesurée en ampères) et du voltage (mesuré en... volts). Or, les petits appareil (baladeurs CD, game-boys, etc.) ne fonctionnent qu’avec un certain nombre de volts, même s’il reste une quantité importante d’ampères. Rolf Zinniker a, par exemple, testé la longévité des piles avec deux lecteurs CD différents. Le modèle de Sony (D-E301) s’est arrêté lorsque les piles étaient complètement déchargées: il utilise donc d’une façon optimale les capacités énergétiques des piles. Un modèle comparable de la marque Philips n’a, en revanche, vidé les piles qu’à moitié...
Conclusion pratique de cette expérience: les piles qui ne fonctionnent plus dans certains appareils, surtout lorsqu’ils ont besoin d’une grande quantité d’énergie, peuvent souvent encore être utilisées dans un appareil à faible consommation, par exemple dans l’horloge de cuisine (lire notre tableau « Quelle pile pour quel appareil?»)
Alternatives écologiques
Une réflexion écologique enfin. On estime en effet que 40% des 80 millions de piles vendues chaque année en Suisse finissent encore dans les poubelles et polluent donc l’environnement. Il existe pourtant des variantes plus écologiques et, à long terme, pas plus chère.
- Les piles régénérantes alcalines: leur prix de base est certes plus élevé et il faut encore, au départ, investir entre 25 et 50 francs pour un rechargeur. Des sommes qui seront pourtant rapidement amorties. Et la quantité de déchets est très nettement réduite.
- Les accumulateurs: ils peuvent se recharger environ mille fois.
– Nickel-cadmium (NiCd): ils sont relativement bon marché et intéressants pour des appareils capables d’utiliser toute l’énergie d’une pile. Mais ils contiennent du cadmium, fortement toxique. Leur utilisation devrait donc être réservée pour les appareils précités et leur élimination devra se faire dans les règles de l’art.
– Nickel-Metall-Hydrid
(NiMH-Akku): ils sont plus chers, plus sensibles et se déchargent un peu plus rapidement. En revanche, ils ne contiennent pas de produits problématiques. Ils doivent cependant, eux aussi, être éliminés correctement.
En résumé
Quelques bons conseils
- La pile la moins chère est celle qui n’a jamais été achetée. L’énergie obtenue via une prise électrique est mille fois moins chère que celle obtenue avec des piles! On ne devrait donc utiliser des appareils à piles qu’en cas de nécessité absolue.
- Même remarque sur le plan écologique. Les piles et les accumulateurs nuisent à l’environnement, même lorsqu’ils sont éliminés correctement. En plus, ils gaspillent des matières premières irremplaçables. Voilà pourquoi, une fois encore, il faudrait n’utiliser des appareils à piles que lorsqu’aucune alternative n’existe. Et de toute façon, ne pas oublier de ramener les piles et les accumulateurs usagés aux points de vente.
- Utiliser les piles neuves dans des appareils à forte consommation d’énergie. Lorsqu’elles ne fonctionnent plus, les placer dans des appareils à faible consommation comme des réveils (photo) ou des radios de poche.
- Dans les appareils nécessitant plusieurs piles, les remplacer toutes à la fois et ne pas mélanger différentes marques.
- Remplacer les piles et les accumulateurs lorsque l’appareil fonctionne encore un peu. Sinon, le risque qu’ils coulent augmente.