Les acides gras oméga 3 ont plutôt bonne réputation. Sur internet, les sites leur prêtant d’innombrables vertus pullulent. Ils protégeraient des maladies cardiovasculaires, préviendraient la dépression, la maladie d’Alzheimer ou même le cancer. Surfant sur cette vague, le fabricant Thomy, une marque de Nestlé, vient de lancer une nouvelle «Mayo» riche en oméga 3, vendue au prix fort. Sur internet, Thomy précise que «les oméga 3 atténuent les inflammations, protégeant ainsi les vaisseaux sanguins», avant d’expliquer que «en moyenne, nous consommons trop peu d'oméga 3 et trop d'oméga 6 et qu’il est nécessaire d'augmenter notre apport en oméga 3». Kaspar Berneis, expert en alimentation à l’Hôpital universitaire de Zurich, ne se laisse pas convaincre par ces propos: «La mayonnaise, même enrichie en oméga 3, n’est un pas un composant d’une alimentation équilibrée.» Entendez par là qu’il est déconseillé d’en abuser en raison de sa haute teneur en graisses.
De surcroît, se pose clairement la question du bienfait des oméga 3 pour la santé. En 2006, une métaanalyse de 15 159 études sur les oméga 3, dont 89 seulement ont été considérées comme sérieuses, avait remis en question leurs vertus. Il ressort de cette enquête publiée dans le British Medical Journal, et menée par le professeur Lee Hooper, qu’ils n’auraient pas d’effet tranché sur les événements cardiovasculaires ou le cancer. La plupart des études retenues n’ont mis en évidence qu’un effet négligeable ou légèrement positif.
Preuves scientifiques
Ces dernières années, beaucoup d’industriels ont axé leur communication sur les vertus de leurs produits et en ont profité pour augmenter massivement leurs prix. Leurs arguments ont souvent fait mouche auprès des consommateurs. Ainsi, les ventes de ces aliments, également appelés alicaments ou aliments fonctionnels, auraient augmenté de quelque 10,2% entre 2004 et 2007, selon le bureau d’analyses Euromonitor International.
Pour répondre à cette tendance, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) veille, depuis décembre 2006, à ce que les allégations figurant sur les emballages soient justifiées par des preuves scientifiques. La Thomy Omega 3 n’est, pour l’instant, commercialisée qu’en Suisse. Elle ne devrait donc pas être soumise à l’examen de l’EFSA. En revanche, sur les 939 premières «allégations de santé» vérifiées par cette autorité européenne, seules 180 déclarations ont été reconnues scientifiquement correctes. Les 759 autres ont reçu des avis négatifs. Ces décisions tiennent à l’absence de preuves scientifiques concernant les bénéfices réels, au manque de résultats positifs dans les tests sur des personnes ou d’indications claires sur le contenu. La marque Ferrero, par exemple, s’est vu refuser l’allégation «Kinder, le chocolat qui aide à grandir». Unilever, de son côté, ne pourra plus communiquer sur les propriétés antioxydantes de ses boissons au thé Lipton. Et l’EFSA a encore du pain sur la planche puisqu’elle se penchera jusqu’en 2011 sur plus de 3000 autres allégations publicitaires.
En Suisse
La Suisse se trouve actuellement en phase transitoire et suivra les nouvelles dispositions, explique l’OFSP. Ainsi, les décisions concernant Ferrero ou Lipton devraient aussi s’appliquer à notre pays. Les producteurs de lait ne devraient plus, de leur côté, avoir l’autorisation de propager des allégations de santé pour 170 produits laitiers et yogourts probiotiques.
Globalement, les experts de la santé restent sceptiques quant aux vertus des alicaments. David Fäh, de l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Zurich estime que «les preuves d’une utilité pour la santé manquent pour la plupart des produits». Caroline Bernet, de la Société suisse de nutrition (SSN) est d’avis que «celui qui a une alimentation équilibrée n’a pas besoin de pareils produits».
Eric Breitinger & Sébastien Sautebin