Pour traiter la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), un seul médicament est reconnu en Suisse: le Lucentis. Pourtant, une autre composition nommée Avastin aurait des effets identiques, bien qu’initialement conçue pour lutter contre le cancer du côlon (lire «Je ne vois presque rien», BàS 2/2009). La Cour de justice de l’Union européenne vient d’en autoriser formellement l’utilisation. Mais, en Suisse, seul le Lucentis est remboursé par les caisses maladie pour traiter la DMLA. Et pourtant, il est incroyablement plus cher que l’autre (1067 fr. contre moins de 100 fr.).
En 2011 déjà, Pierre-Yves Maillard, conseiller d’Etat vaudois en charge de la Santé, s’était insurgé contre cette pratique, en recommandant aux ophtalmologues de prescrire de l’Avastin plutôt que du Lucentis, tout en leur assurant une protection légale. Dans ce même élan, la caisse Assura avait choisi de rembourser intégralement ceux qui opteraient pour le traitement le moins cher, bien que non homologué.
Mais à la suite d’une demande de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), l’assureur a été forcé de rentrer dans le rang et de cesser de rembourser ses clients.
Aujourd’hui, la position des autorités n’est pas près de changer, malgré les décisions prises au niveau européen. L’OFSP explique en effet que l’Avastin est homologué par Swissmedic, l’Insitut suisse des produits thérapeutiques, pour traiter divers cancers, mais non pas pour la DMLA. En cas de problèmes ophtalmologiques donc, il faudrait reconditionner ce médicament en seringues et adapter la dose pour l’injecter dans l’œil. Or, il s’agirait alors d’une utilisation «off label», c’est-à-dire d’une prescription qui ne suit pas l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Une prise en charge par l’assurance obligatoire n’est, par conséquent, pas prévue. L’OFSP précise par ailleurs que en cas d’une utilisation hors AMM, le médecin, et non le fabricant, serait responsable des éventuelles complications et des effets secondaires.
L’Europe estime de son côté qu’un tel reconditionnement est tout à fait possible. En se référant à l’arrêt du tribunal, le magazine français Que choisir avance clairement qu’«il n’y a pas de réel obstacle, ni technique ni juridique, à reconditionner l’Avastin pour le rendre utilisable dans la DMLA».
Marie Tschumi