Vous les empruntez tous les jours en toute insouciance. Pourtant, les ascenseurs dépourvus de porte de cabine sont dangereux. L’utilisateur risque de se coincer un membre ou d’accrocher un objet qu’il transporte entre la cabine et la cage de l’ascenseur. Les conséquences de ce type d’accident peuvent être extrêmement graves, à l’exemple de cet enfant qui, en 1995, a perdu une jambe pour s’être amusé à faire glisser ses rollers contre la porte d’un ascenseur en marche.
De même, les anciens vitrages des portes palières, que l’on reconnaît à leur relief sous forme de bulles, sont dangereux, car ils risquent de se briser au moindre choc. Pire encore, les ascenseurs dont les portes peuvent s’ouvrir en cas d’arrêt entre deux étages...
Tous ces risques sont aujourd’hui bien connus des spécialistes en ascenseurs. Si bien que, depuis 1981, une ordonnance fédérale impose que toutes les nouvelles installations répondent à certaines normes de sécurité. Ainsi, les ascenseurs neufs doivent obligatoirement être pourvus d’une porte de cabine. Et celle-ci doit rester verrouillée en cas d’arrêt entre deux niveaux.
Mais un problème important persiste: l’ordonnance fédérale ne concerne que les ascenseurs nouvellement mis sur le marché, ainsi que ceux qui sont transformés ou rénovés. A aucun moment, celle-ci ne fait mention d’une obligation d’assainir les installations déjà existantes.
Autrement dit, chaque propriétaire d’immeubles est libre d’optimiser la sécurité de ses ascenseurs ou... d’ignorer le problème. Sauf si, bien sûr, un règlement cantonal ne le contraint à agir. Mais aujourd’hui, seul Genève s’est doté d’une loi sur l’assainissement des anciennes installations.
80% d’installations non conformes!
Ainsi, au bout du lac, tous les ascenseurs sont aujourd’hui dotés d’une double porte et d’un vitrage résistant au choc. Mais dans les autres cantons romands, les installations à la sécurité douteuse foisonnent encore. Les spécialistes de la branche le reconnaissent eux-mêmes: environ 80% des installations helvétiques ne répondent plus aux normes actuelles!
«Le problème, c’est que dans la quasi-totalité des cas, la seule solution pour rendre l’ascenseur conforme serait de remplacer l’engin», relève Olivier Dormond, expert en ascenseurs du bureau Gentech Consultant, à Genève. «Or, une telle opération coûte très cher et nécessite de mettre l’ascenseur hors service pendant près de deux mois. On imagine toutes les implications que peut avoir une paralysie d’ascenseur dans un bâtiment qui abrite des personnes âgées ou handicapées. Certaines gérances qui ont entrepris de tels travaux à Genève ont dû placer des dizaines de personnes en EMS.»
Pour les propriétaires, la décision est d’autant plus difficile à prendre que les accidents d’ascenseur sont rares (environ 100 cas par an en Suisse, tous degrés de gravités confondus). Si on prend en compte le nombre d’installations en fonction (environ 140 000 en Suisse), l’ascenseur est, de loin, le moyen de transport le plus sûr au monde.
Du coup, il est plus facile de ne rien faire que d’agir pour prévenir un hypothétique accident. Mais attention: en cas de problème, le propriétaire risque gros, car selon le Code des obligations, c’est lui qui est responsable des dommages résultant d’un défaut d’entretien.
Sophie Pieren