L’idée de base du time-sharing n’est pas mauvaise: acheter le droit de disposer d’un appartement, une semaine par an, et le partager avec d’autres semble en effet plus avantageux que d’acquérir, seul, un logement de vacances.
Ce système pourrait avoir la cote si les sociétés qui le commercialisent n’avaient pas tant flirté avec les limites de la légalité. Car à l’époque où ce nouveau mode de tourisme prenait son essor, il y a une vingtaine d’années, certains vendeurs ont usé de méthodes très agressives. Et de nombreux propriétaires de time-sharing se demandent aujourd’hui encore, comment ils ont pu accepter de payer si cher des vacances dont ils ne profitent finalement que très peu...
Aussi, lorsqu’une société leur téléphone et leur propose de racheter leur bien à prix d’or, beaucoup veulent croire à leur chance. Quitte à oublier, parfois, jusqu’aux simples règles du bon sens. Les témoignages de nos lecteurs concordent d’ailleurs avec ceux trouvés sur les sites internet(1) de deux associations de propriétaires de time-sharing.
La tactique de l’urgence
Strategy Connection, la société qui nous intéresse – hélas pas la seule à procéder de la sorte – est basée à Ténérife. Elle dit être mandatée par une grande entreprise qui veut acheter plusieurs semaines de vacances pour ses employés. Autre scénario utilisé: l’acheteur potentiel veut disposer d’un nombre suffisant de semaines pour être majoritaire lors des décisions communautaires concernant la résidence. Le but réel est toujours le même: faire croire qu’il y a urgence et qu’il ne faut pas rater l’occasion de vendre à si bon prix.
Une fois le client appâté, Strategy Connection l’informe que des documents manquent au dossier: une inscription au Registre foncier local ou une «enquête de validité» sur la bonne gestion du bien convoité. Le propriétaire est alors invité à verser les frais nécessaires à l’établissement de ces papiers, entre 2000 et 5000 e. Payables d’avance, bien entendu.
Si le propriétaire rechigne, on lui propose de remplir lui-même ces formalités, ce qui implique qu’il se rende sur place. Le choix est vite fait! D’autant que le montant du rachat que fait miroiter Strategy Connection couvre largement cette dépense supplémentaire... Exemple: la société «offre» 28 200 e (env. 44 000 fr.) pour un appartement payé 20 400 fr. et les frais réclamés s’élevent à 3440 e (env. 5350 fr.), ce qui laisse encore un bénéfice de plus de 18 000 fr. au vendeur…
Frais non remboursés
Mais, aussi alléchante que soit la proposition, il y a fort à parier que la vente n’aura jamais lieu. Et, là aussi, les explications de Strategy Connection sont toujours les mêmes: soit le vendeur a trop tardé à se décider, soit il a omis de transmettre les titres de propriété, soit l’acheteur a changé d’avis. Mais les frais, eux, auront bel et bien été encaissés! Et il sera trop tard pour constater que le contrat ne garantit pas la vente et que les frais ne sont pas remboursables…
Les responsables de Strategy Connection n’ont pas voulu répondre à nos questions. «Par téléphone, on ne peut pas savoir à qui on a affaire», s’est contenté de répondre Alfred Roland, assistant de direction.
Pure fraude
Porte-parole de l’Organisation du temps partagé en Europe(2), une association de sociétés de time-sharing qui s’est dotée de codes éthiques et tente de remettre de l’ordre dans la profession, Peter van der Mark met en garde les propriétaires contactés par Strategy Connection, ou d’autres sociétés du même type. «Demandez-vous comment elles ont eu vos coordonnées. Si vous n’avez jamais eu de contact direct avec elles, raccrochez! Le mode opératoire de ces sociétés est toujours le même et c’est de la pure fraude. L’an passé, nous avons réussi, en collaboration avec la police et les autorités, à faire fer-mer vingt-deux sociétés de ce genre, toutes basées en Espagne. Mais elles ressurgissent, sous d’autres noms.»
Selon Peter van der Mark, le time-sharing n’est pas un bien qui prend de la valeur avec le temps. Au contraire, «il est très rare que le montant de la revente dépasse le 40% du prix d’achat. Ce qui semble normal, si on considère que l’acquéreur a déjà profité en partie, du moins on l’espère, des vacances achetées».
Refuser toute transaction non sollicitée, ne pas verser d’argent à l’avance et se méfier des propositions trop alléchantes: voilà donc les conseils qu’on peut donner aux propriétaires de semaines de vacances en temps partagé.
Jacqueline Favez
(1)Association de défense des consommateurs de semaines en temps partagé, www.tempspartage.org; Association des propriétaires adhérents francophones de vacances en temps partagé, www.apaf-vtp.com; (2)Organisation du temps partagé
en Europe (OTE), 78-80 rue Defacqz, B-1060 Bruxelles (B), www.ote-info.com
Fax: 0032 2 533 30 61.